Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Du faux lord écossais raconte l’emprise

- Mélanie BÉCOGNÉE.

dans ma vie. » Sans jamais dépenser un centime. « Il avait toujours une bonne excuse. »

Un mensonge toujours plus gros en chasse un autre. Alice n’y voit que du feu. Cafetière, gaufrier, frigo… Elle multiplie les dépenses à sa demande. Des achats dont elle attend encore le remboursem­ent. Il va jusqu’à signer le compromis de vente d’un appartemen­t à un million d’euros avec elle avant de se rétracter. Au quotidien, il possède une carte Nickel. « Il m’a dit que c’était la carte de la Couronne britanniqu­e. En fait, c’est pour les personnes frappées d’une interdicti­on bancaire », explique Alice, désabusée.

À chaque fois que le doute s’immisce dans l’esprit d’Alice, Alain Jollois renchérit. « L’agent immobilier m’a rappelé des mois plus tard. Il avait découvert de manière fortuite sa véritable identité. » Mis devant le fait accompli, Alain Jollois lui assure qu’il s’agit d’une fausse identité, « une légende » de sa vie d’espion.

Une autre victime

Achat d’une maison à Arradon (Morbihan). Range Rover en transit depuis l’Écosse… Au fil des mois, Alice doute et ne voit pas l’once d’un remboursem­ent. À cette période, elle découvre l’existence de Sylvie. « Il m’en parlait comme de sa défunte femme. » Il s’agit en fait d’une autre victime dans le Jura. Elle a dépensé plus de 80 000 € pour le faux lord et sa fantomatiq­ue famille. « J’ai découvert un article de Sud-Ouest où cette femme racontait ce que je vivais. »

Face à l’évidence, iI nie. Encore une histoire montée de toutes pièces contre lui, affirme-t-il. « Et je ne voulais pas voir la réalité en face », regrette-t- elle, aujourd’hui. « Il avait réponse à tout. J’étais paralysée. » C’est finalement un quiproquo téléphoniq­ue, en avril 2022, qui va mettre fin à la manipulati­on.

Les deux femmes échangent longuement. « Elle m’a appris qu’il était recherché par la police pour être entendu à la suite de son dépôt de plainte. » Alice trouve le courage de le dénoncer. « Ils sont venus l’interpelle­r à la maison à 9 h 30, le 21 avril. » Ses seuls mots à Alice à ce momentlà ? « Tu m’as balancé ? » Elle dépose plus tard ses affaires au commissari­at. Libéré après sa garde à vue, le faux lord ne l’a jamais revue.

« Il vit aux frais des autres »

La Vannetaise estime son préjudice à plus de 5 000 €, mais refuse de déposer plainte. Certaine d’un classement sans suite, comme Sylvie [cette dernière souhaite redéposer plainte avec constituti­on de partie civile]. « Il squatte et vit aux frais des autres. On n’y voit rien car il ne demande jamais d’argent. Mais il vous fait dépenser. Mentir, c’est son métier. » Elle a échangé quelques messages avec lui jusqu’en novembre 2022. Date à laquelle il a coupé les ponts. Sans doute quand il a compris qu’Alice avait troqué sa casquette de victime pour celle d’enquêtrice. « J’ai retrouvé de nombreuses personnes qui l’ont côtoyé. J’écris un livre pour qu’il soit aussi connu que Rocancourt (2). »

Contacté à plusieurs reprises à sa seule adresse électroniq­ue connue, Alain Jollois n’a jamais répondu à nos sollicitat­ions. En décembre 2023, il a créé un profil sur le site de rencontre Happn. Le faux lord s’y faisait appeler Andy. (1) Prénom d’emprunt.

(2) Christophe Rocancourt, escroc français notamment condamné pour abus de faiblesse sur la cinéaste Catherine Breillat.

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| PHOTO : SUD OUEST/MAXPPP À Périgueux, le 4 septembre 2002, lors du tournage d'un court-métrage.
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| PHOTO : TROUD, OUEST-FRANCE

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