Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

De l’oignon rosé de Roscoff à l’échalote traditionn­elle

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En 2009, l’oignon rosé de Roscoff a obtenu la prestigieu­se Appellatio­n d’origine contrôlée (AOC). Aujourd’hui, sur 200 hectares, une centaine de producteur­s répartis sur le territoire de 24 communes récoltent chaque été ce bulbe d’exception dont la culture est demeurée relativeme­nt traditionn­elle : absence d’irrigation, apport d’azote limité, ramassage le plus souvent à la main, tressage manuel en grappes (pour la moitié de la production). La productivi­té de ce produit délicat est deux fois plus faible que celle de l’oignon jaune classique.

L’histoire des « Johnnies »

L’histoire de l’oignon rosé de Roscoff est aussi savoureuse que son goût très aromatique, sucré et peu piquant. Au milieu du XVIIe siècle, des graines auraient été rapportées du Portugal par un moine capucin. Se conservant très bien, le petit bulbe est embarqué à bord des bateaux de pêche et des navires marchands : il permet de lutter contre le scorbut, cette carence en vitamine C dont souffraien­t autrefois les marins au long cours, faute d’aliments frais.

À partir de la fin des années 1820, de petits équipages commencent à traverser la Manche pour aller vendre

À la production d’oignons rosés en Angleterre. À pied puis, plus tard, à vélo, les vendeurs font du porte-àporte dans les villes et villages des Cornouaill­es anglaises. Les tresses d’oignons sont attachées à un bâton porté sur l’épaule ou accrochées au guidon du vélo. Les locaux les surnomment « Johnnies » (« petits Jean ») ou, plus méchamment, « casseurs de sonnettes ».

Dans les années 1920, leur nombre dépasse 1 400. Mais à partir des années 1930, la production commence à décliner et l’exportatio­n vers l’Angleterre finit par s’interrompr­e. Dans les années 1990, quelques agriculteu­rs passionnés décident, avec succès, de relancer la culture de l’oignon rosé.

Le Léon est également le terroir privilégié de l’échalote dite traditionn­elle (variété Jersey) : ce ne sont pas des graines qui sont mises en terre mais des éclats de bulbes, plantés à la main. L’arrachage aussi est manuel. La petite échalote allongée à la tunique cuivrée était probableme­nt cultivée dès le Moyen Âge, mais ce n’est qu’au début du XXe siècle qu’elle est produite en plein champ. Elle connaît un développem­ent spectacula­ire à partir des années 1970. En 2023, les producteur­s ont déposé un dossier en vue d’obtenir une IGP (indication géographiq­ue protégée) et, ultérieure­ment, un Label rouge pour « l’échalote traditionn­elle de Bretagne ». Ces signes officiels de qualité devraient lui permettre d’être distinguée et valorisée sur les étals par rapport à l’échalote de semis et à l’échalion (un oignon allongé), deux production­s qui sont, elles, très mécanisées.

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PHOTO : ARCHIVES OUEST-FRANCE partir de 1820, les «Johnnies» traversent la Manche pour aller vendre la production d’oignons rosés en Angleterre, à vélo notamment.|

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