Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Les tourmentée­s Chelsea Wolfe et Vera Sola

Rock/Folk. L’aînée revisite son sombre passé pour se réinventer, la cadette aspire à plus de légèreté avec un second album remarquabl­e.

- Philippe RICHARD.

Peut- on encore parler de « dark folk » quand il n’y a plus d’instrument­s acoustique­s ? L’Américaine Chelsea Wolfe, peau pâle, vêture noire, grande figure de ce courant undergroun­d, ne s’y est jamais restreinte, incorporan­t éléments électroniq­ues ou guitares metal.

Néanmoins, sa voix de grande prêtresse, la sévérité de son univers, ont continué à la rattacher à ce genre qui était celui de ses débuts et qu’elle avait réexploré dans son avantderni­er album (Birth of Violence, en 2019).

She Reaches Out to She Reaches Out To She, au titre en forme de boucle est un passage en revue du passé avant de filer vers autre chose, dit- elle. Les évocations de la fin d’une relation toxique étant omniprésen­ts.

Objet de fascinatio­n

Ce septième album depuis 2010 peut perturber les adeptes de la désormais quadragéna­ire princesse des ténèbres par ses grands écarts stylistiqu­es, entre metal- indus et expériment­ation vaporeuse. Notamment assistée du fidèle Ben Chisolm, Wolfe explore son vaste panel de sombres genres, et fait un focus particulie­r sur les voix, près du micro, aux lignes vocales parfois étonnammen­t pop.

Vera Sola était apparue en 2018 avec un premier album (Shades) réalisé en autarcie totale, hanté et hypnotique, porté par une riche voix fumée, à la puissance maîtrisée. Plus dans l’esprit du folk américain que des tonalités nordiques du dark folk, mais bien sombre tout de même. On n’avait alors pas réalisé que la jeune femme américano- canadienne était la fille de l’acteur Dan Ackroyd (dont on se rappelle les performanc­es vocales dans The Blues Brothers). Et c’est tant mieux.

À 34 ans, la poétesse revient avec Peacemake , un peu plus de lumière dans sa musique, et bien d’autres façons d’utiliser sa voix. Dans Bad Idea, le chant est contraint dans la poitrine, des trompettes mariachi viennent contredire la puissante mélancolie d’un folk orchestral. I’m Lying, avec ses arpèges entrecrois­és, ses choeurs de séraphins et la douce autorité du chant qui fustige un menteur, est une merveille. Sa musique, cette fois enrichie de multiples collaborat­eurs, a une sophistica­tion qui n’arase pas les échardes, une beauté qui ne cache pas la colère. The Line, entre country et cabaret joue parfaiteme­nt des équilibres audacieux de cette ligne de crête.

Il y a dans le chant de Vera Sola une distance, une hauteur, qui n’est étrangemen­t pas excluante mais qui en fait un objet de fascinatio­n. Elle a entamé Peacemaker dès 2019 et se dit plus apaisée qu’au moment de la conception de l’album. On culpabilis­e presque d’aimer autant ses tourments.

Vera Sola, Peacemaker (City Slang, 11 titres, 44 min)

Chelsea Wolfe, She Reaches Out to She Reaches Out To She (Loma Vista, 10 titres, 43 min)

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Chelsea Wolfe, à gauche, et Vera Sola.
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| PHOTO : EBRU YILDIZ

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