Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Gérald Bronner raconte son « exorcisme »
Récit. À l’adolescence, le sociologue Gérald Bronner a longtemps pris ses rêves pour la réalité. Il nous le confie dans un récit éclairant et plein de verve.
« L’on peut croire à des choses folles sans être fou soi-même. » Cette conviction du sociologue Gérald Bronner, professeur à la Sorbonne, ne s’appuie pas seulement sur ses connaissances universitaires. Elle repose aussi, pour partie, sur une expérience personnelle et intime. Il nous la confie sans fard dans son dernier livre, Exorcisme.
Issu d’un milieu modeste, Gérald Bronner a grandi à Nancy (Meurtheet-Moselle) dans les années 1980, « une décennie violente et moche », où il traîne son ennui avec une bande de copains aussi esseulés et faméliques que lui. Comme tant d’autres gamins inquiets, il prend l’habitude, seul dans sa chambre, de s’adresser à l’Éternel qui vit au- delà du plafond. « Je sens bien que je ne suis pas fait pour la vie que je mène, mais alors quoi ? »
Expérience d’envoûtement
Le voilà qui développe « un monde intérieur dense », à base de télé, de BD et d’ésotérisme. Fasciné par un oncle qui passe ses journées dans une chambre encombrée de trésors de la contre- culture du moment : du Seigneur des anneaux au mystère des Templiers en passant par les films de kung-fu. L’adolescent plonge avec délice dans cette caverne aux trésors et va en célébrer tous les cultes. Il y fera même des adeptes en fondant « le Cerf », le mouvement des « Chercheurs en réalisme fantastique », une sorte de société secrète qui comptera jusqu’à une soixantaine de membres. Leur mission ?
Annoncer la survenue de quelque chose d’exceptionnel – qu’ils ne savent pas encore nommer – et, en attendant l’apocalypse, se défendre des ennemis – imaginaires – qu’ils s’inventent.
Dans un récit plein de verve et d’humour, le malicieux professeur d’université nous conte cette étonnante expérience d’envoûtement, puis de désenvoûtement au fur et à mesure qu’il avance en âge et dans ses études : « Mon bon sens allait plus vite que mon désir de croire, je sentais bien que quelque chose n’allait pas. » L’adolescent mystique fasciné par les elfes et les fées n’a pas tout perdu en chemin. Il en a retiré le premier thème d’études de ses recherches : « Les superstitions et les croyances collectives ». Toutes ces choses improbables auxquelles « nous croyons si fort, les yeux grands fermés ».
Exorcisme, Grasset, 236 pages.