Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
À la découverte des anti-parades amoureuses
Éthologie. À trois jours de la Saint-Valentin, on laisse de côté les plus connues des parades nuptiales pour s’intéresser à celles qui nous racontent autre chose sur la sexualité des animaux.
Pour séduire sa belle, le rhinocéros noir a une technique bien à lui : il sourit. Langoureusement, il retrousse ses épaisses babines pour exhiber ses canines inférieures. Ça n’a l’air de rien, mais cela suscite en lui tant d’émoi que l’amoureux émet sa semence avant même d’avoir touché Madame.
« On connaît des tactiques plus efficaces en matière de reproduction, note le biologiste Thierry Lodé. Pour que la copulation puisse avoir lieu, la dulcinée devra offrir à son prétendant un vrai récital afin de raviver la flamme. »
Zoo-romance
Nous sommes loin des chorégraphies de l’oiseau de paradis ou des démonstrations de force du cerf. Pourtant le rhino n’a pas le monopole de « l’anti-parade » amoureuse : « Le roi de la jungle lui-même n’est pas vraiment un chaud lapin, reprend le spécialiste des sexualités animales. Souvent, c’est aux femelles de faire le boulot : en une seule journée, la lionne peut venir solliciter un mâle vingt, trente fois, avant que l’invitation ne soit suivie d’effet. »
Parader ne serait donc pas l’apanage des mâles ? « Jusqu’à présent, on s’est principalement intéressé à leurs stratégies. Un biais hérité de nos sociétés patriarcales, soustendu par l’idée que les femelles seraient passives. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt de la diversité des pratiques amoureuses chez les animaux. »
Car chez eux comme chez nous, sexe ne rime pas nécessairement avec reproduction. « Pour des questions d’apaisement social ou tout bonnement de plaisir, de nombreuses espèces s’adonnent aux amours homosexuelles, poursuit le biologiste. Chez les lions, les putois, les girafes, on se fait ainsi – et aussi – la cour entre individus du même sexe. »
Une cour qui intègre parfois des offrandes. De ce point de vue, la technique de séduction à double détente de la mouche scorpion (panorpe) est édifiante : « Chez ce petit mécoptère, les mâles sont dotés d’un organe reproducteur qui rappelle le dard du scorpion (d’où leur surnom). Celui- ci leur sert à séduire mais ils savent aussi le dissimuler sous leurs ailes afin de se faire passer pour une femelle. Ainsi travestis, ils vont draguer d’autres mâles pour les amener à leur offrir une proie qu’ils s’empresseront de subtiliser. Et d’apporter à leur dame. »
Exit l’étape fatigante de la chasse. « En fin de compte, les individus qui se reproduisent le plus ne sont pas forcément les plus beaux ni les plus forts : ce sont souvent les plus malins et les plus endurants », conclut Thierry Lodé.
Pourquoi les animaux trichent et se trompent, Thierry Lodé, éditions Odile Jacob, 28,90 €.