Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

À la découverte des anti-parades amoureuses

Éthologie. À trois jours de la Saint-Valentin, on laisse de côté les plus connues des parades nuptiales pour s’intéresser à celles qui nous racontent autre chose sur la sexualité des animaux.

- Christel TRINQUIER.

Pour séduire sa belle, le rhinocéros noir a une technique bien à lui : il sourit. Langoureus­ement, il retrousse ses épaisses babines pour exhiber ses canines inférieure­s. Ça n’a l’air de rien, mais cela suscite en lui tant d’émoi que l’amoureux émet sa semence avant même d’avoir touché Madame.

« On connaît des tactiques plus efficaces en matière de reproducti­on, note le biologiste Thierry Lodé. Pour que la copulation puisse avoir lieu, la dulcinée devra offrir à son prétendant un vrai récital afin de raviver la flamme. »

Zoo-romance

Nous sommes loin des chorégraph­ies de l’oiseau de paradis ou des démonstrat­ions de force du cerf. Pourtant le rhino n’a pas le monopole de « l’anti-parade » amoureuse : « Le roi de la jungle lui-même n’est pas vraiment un chaud lapin, reprend le spécialist­e des sexualités animales. Souvent, c’est aux femelles de faire le boulot : en une seule journée, la lionne peut venir solliciter un mâle vingt, trente fois, avant que l’invitation ne soit suivie d’effet. »

Parader ne serait donc pas l’apanage des mâles ? « Jusqu’à présent, on s’est principale­ment intéressé à leurs stratégies. Un biais hérité de nos sociétés patriarcal­es, soustendu par l’idée que les femelles seraient passives. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt de la diversité des pratiques amoureuses chez les animaux. »

Car chez eux comme chez nous, sexe ne rime pas nécessaire­ment avec reproducti­on. « Pour des questions d’apaisement social ou tout bonnement de plaisir, de nombreuses espèces s’adonnent aux amours homosexuel­les, poursuit le biologiste. Chez les lions, les putois, les girafes, on se fait ainsi – et aussi – la cour entre individus du même sexe. »

Une cour qui intègre parfois des offrandes. De ce point de vue, la technique de séduction à double détente de la mouche scorpion (panorpe) est édifiante : « Chez ce petit mécoptère, les mâles sont dotés d’un organe reproducte­ur qui rappelle le dard du scorpion (d’où leur surnom). Celui- ci leur sert à séduire mais ils savent aussi le dissimuler sous leurs ailes afin de se faire passer pour une femelle. Ainsi travestis, ils vont draguer d’autres mâles pour les amener à leur offrir une proie qu’ils s’empressero­nt de subtiliser. Et d’apporter à leur dame. »

Exit l’étape fatigante de la chasse. « En fin de compte, les individus qui se reproduise­nt le plus ne sont pas forcément les plus beaux ni les plus forts : ce sont souvent les plus malins et les plus endurants », conclut Thierry Lodé.

Pourquoi les animaux trichent et se trompent, Thierry Lodé, éditions Odile Jacob, 28,90 €.

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| PHOTO : RON PORTER, PIXABAY/ MICHELLE COPPIENS, PIXABAY / PIXABAY Rhinocéros, mouche scorpion ou lion : à chacun sa technique de séduction.

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