Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Extra & Ordinaires, une autre image du parasport

Paris 2024. À 200 jours des Jeux paralympiq­ues (28 août - 8 septembre), le livre Extra & Ordinaires montre la force du geste de nombreux parasports et les émotions qu’ils procurent.

- Recueilli par Julien SOYER.

Le photograph­e Grégory Picout et le journalist­e Renaud Goude sont des figures incontourn­ables du parasport français et internatio­nal. Un milieu qu’ils fréquenten­t depuis le début des années 2000. Ils ont réalisé le livre Extra & Ordinaires, sorti chez Ed. Xodus. Un livre de photos et de textes dédié aux parasporti­fs et aux parasports. Un livre qui permet de dépasser « le côté éphémère des réseaux sociaux, où une photo et un article remplacent les précédents ».

Les réseaux sociaux où tout disparaît aussi vite que c’est publié. « On s’est posé la question de savoir ce que l’on pouvait laisser comme trace palpable, expliquent- ils. On a donc pensé à un livre d’images, agrémentée­s de textes, que l’on pose sur une table basse et qui vient nourrir des discussion­s. »

Qu’est-ce qui vous a plu dans le handisport ?

Grégory Picout : On rencontre des personnes intéressan­tes, on se prend vite au jeu. Entre le sport valide et le handisport, techniquem­ent c’est la même chose mais j’ai toujours trouvé que les images des parasports pouvaient paraître plus fortes. La photo d’un nageur n’ayant qu’un seul bras est de suite plus impression­nante que celle d’un nageur valide. Et c’était chouette de voir évoluer ce milieu dans son ensemble, de voir les athlètes et leurs performanc­es devenir de plus en plus folles.

Renaud Goude : C’est un mélange de plein d’ingrédient­s. Je suis dans l’athlétisme depuis 1985. Je suis entré dans le métier de journalist­e de sport, que j’ai toujours voulu faire, par l’athlé handisport. Cela m’a permis de concilier cette passion et mon métier parce que ce secteur était peu couvert. En 2005, aux championna­ts de France de para athlé à Fontenayle- Comte (Vendée), c’était la première fois que je voyais autant de personnes en situation de handicap et de handicaps différents. Il y a une habitude visuelle à prendre. Mais très rapidement, je suis passé à autre chose, donc tout m’a paru naturel pour continuer. On découvre de vraies personnali­tés, il y a beaucoup de proximité et d’humanité. En zone mixte aux Jeux, on n’est pas en face de stars. G. P. : On peut presque parler de famille, une famille sportive où les relations humaines sont fortes, même si on a le droit de ne pas être d’accord avec tout le monde.

Parler du parasport autrement qu’à travers les Jeux

Ce livre aurait-il pu exister il y a vingt ans ? Aurait-il été viable économique­ment ?

R. G. : En matière de parasports, il y a un avant et un après Londres 2012 dans la société française. Ce livre aurait eu, il y a vingt ans, un côté institutio­nnel, pour faire plaisir aux élus, aux partenaire­s, aux licenciés et à leur famille mais il ne serait pas sorti du cadre de la Fédération Française Handisport (FFH). Ou alors, il aurait existé principale­ment pour ce côté ultra- social : on décide d’acheter le bouquin parce qu’ils sont quand même courageux ces handisport­s. C’est bien de le rappeler mais il ne faut pas que ce soit la seule motivation des personnes qui se procureron­t ce livre. Extra & Ordinaires démontre qu’il existe autre chose que les Jeux paralympiq­ues pour parler du parasport. Néanmoins, c’est d’une implacable réalité, s’il n’y avait pas eu les Jeux paralympiq­ues en 2024 à Paris, ce livre aurait sans doute été moins médiatisé.

G. P. : Il y a vingt ans, il y avait peu d’athlètes, il n’y avait pas le même esthétisme. Aujourd’hui, ce sont de vraies compétitio­ns avec un habillage digne de ce nom autour des aires de pratique. Cela donne matière à faire des images. Sur les plans économique et marketing, je ne le crois pas non plus, tout simplement parce qu’on n’en parlait pas. Il y a environ vingt ans, le service communicat­ion de la FFH, c’était une personne à mi- temps. Aujourd’hui, c’est une structure réunissant une dizaine de personnes. Comme il y a plus de matière et d’événements, il y a davantage de communicat­ion. Il y a vingt ans, cet ouvrage aurait donc été impossible à réaliser et il n’aurait intéressé que peu de monde.

Comment ce livre se compose-t-il ? G. P. : On ne voulait pas faire un portfolio d’images parce qu’il se feuillette très vite même si les images sont très réussies. Il se parcourt en quelques minutes et c’est fini. Là, on voulait que les images soient agrémentée­s par des textes. Il y a donc des textes de Renaud mais pour intéresser les athlètes et un plus large public, je souhaitais aussi un retour d’athlètes sur des photos. Par exemple, Marie Bochet, qui a deux photos dans le livre, parle de son ressenti quand elle revoit ces photos, des émotions et de ses souvenirs. Il y a plus de vingt retours de sportifs (Pierre Fairbank, Stéphane Houdet…). Je désirais aussi, sur une dizaine d’images, raconter ce que j’avais ressenti au moment de la photo : pourquoi j’ai choisi cet emplacemen­t, de shooter ce moment, de jouer avec telle lumière ou ce jeu d’ombre. C’est un mélange de photos et de textes qui s’est bien articulé… Le rendu correspond à ce que je voulais réaliser.

Faire rêver les jeunes des centres de rééducatio­n

Est-ce un livre qui ne fait que gagner ?

G. P. : Non. Il y a toutes les émotions que le sport peut engendrer, avec différents sports, dans différents lieux. R. G. : Très vite on comprend que le livre est destiné à un large public, parce qu’il traite de tout le monde, de tous les sports et de tous les niveaux. Il n’est pas réservé aux champions. Il ne suffit pas d’être initié pour être intéressé. Il y a un côté sportif et un côté social, dans le sens où on démontre aussi tout ce que certains ont dû faire et surmonter pour en être. J’ai fait mienne une phrase de Jean Minier, directeur des sports du Comité paralympiq­ue et sportif français, qui disait que pour certains handisport­s, la vraie performanc­e est déjà d’être là. Ce livre traduit aussi cela parce que certaines photos montrent juste une activité, sans être rattachées à la performanc­e. Il m’a semblé aussi intéressan­t d’expliquer en quoi consistait chacun des sports. Mais encore une fois de manière très basique, très générale et pas technique.

On ne parle donc pas que de haut niveau…

G. P. : Les Jeux représente­nt la moitié du livre. Il y a aussi des championna­ts nationaux, des stages jeunes à potentiel, regroupant des jeunes de 12-14 ans, qui ne savent pas encore forcément quel sport ils choisiront. On est dans l’émotion, la captation de gestes, d’attitudes… J’aimerais que ce livre finisse sur la table de chevet des enfants dans les centres de rééducatio­n. Ils ont des posters de Kylian Mbappé ou Rafael Nadal. C’est bien, on a tous le droit de rêver mais j’aime bien quand les rêves sont un peu accessible­s. Malheureus­ement, ces jeunes amputés d’une jambe, d’un bras ou présentant un autre handicap ne seront jamais Mbappé ou Nadal. Si Extra & Ordinaires peut donner envie à des jeunes de s’identifier à un champion paralympiq­ue, on aura atteint l’un des objectifs que je visais en l’imaginant.

 ?? | PHOTO : GRÉGORY PICOUT ET RENAUD GOUDE ?? Grégory Picout (à gauche), photograph­e FFH, et Renaud Goude, journalist­e indépendan­t, viennent de publier le livre « Extra & Ordinaires », qui met en avant les parasports.
| PHOTO : GRÉGORY PICOUT ET RENAUD GOUDE Grégory Picout (à gauche), photograph­e FFH, et Renaud Goude, journalist­e indépendan­t, viennent de publier le livre « Extra & Ordinaires », qui met en avant les parasports.
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 ?? | PHOTO : ED.XODUS ?? Extra & Ordinaires, par Grégory Picout et Renaud Goude. Éditions ED.Xodus, 34 €.
| PHOTO : ED.XODUS Extra & Ordinaires, par Grégory Picout et Renaud Goude. Éditions ED.Xodus, 34 €.

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