Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Louis Picamoles : « Défendre les valeurs rurales »

Louis Picamoles, ancien 3e ligne du XV de France, a décidé de se lancer en politique. À 37 ans, il est présent sur la liste l’Alliance Rurale pour les élections européenne­s de juin 2024.

- Recueilli par Ewen RENOU.

Entretien

Louis Picamoles (37 ans) découvre un nouveau terrain : celui de la politique. L’ancien 3e ligne du XV de France s’est engagé sur la liste l’Alliance Rurale – portée par Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs – pour les élections européenne­s, qui se dérouleron­t le dimanche 9 juin 2024.

Comment avez-vous été sollicité par l’Alliance Rurale ?

Le lien s’est fait grâce à François TrinhDuc (ancien coéquipier en équipe de France et à Montpellie­r), qui est un ami. Avec ses obligation­s profession­nelles, il n’avait pas le temps de s’impliquer pleinement. De mon côté, cette propositio­n m’a paru cohérente. Cette liste veut défendre les valeurs rurales, dont l’agricultur­e. Cela me parle. Avant de donner ma décision, je voulais rencontrer Willy Schraen, à l’initiative de cette liste, pour voir si les bonnes impression­s que j’avais eues se confirmaie­nt. C’est ce qui s’est passé.

Vous parlez de « valeurs rurales ». À quoi faites-vous référence ?

La ruralité est une façon de vivre. Cela ne concerne pas que les gens qui habitent à la campagne. Nous souhaitons défendre toutes les branches de la ruralité : l’agricultur­e, la culture en général, les traditions… Ce n’est pas qu’une liste pour la chasse, mais cette dernière fait partie de la ruralité, au même titre que la pêche ou la tauromachi­e. Pour plein de raisons, ces activités sont fortement remises en question. Mon père est chasseur mais, personnell­ement, je n’ai pas mon permis. Je ne suis pas un aficionado des corridas non plus. Mais j’ai eu la possibilit­é de forger mon propre avis. J’aimerais que ce soit pareil pour mes enfants et les génération­s futures. J’aimerais qu’on protège certaines libertés.

Avez-vous hésité avant de vous engager avec l’Alliance Rurale ? Bien sûr. Je me suis dit que j’allais être exposé, sans doute critiqué et peutêtre catalogué. Ceux qui vont sur ce terrain, c’est souvent avec des arguments peu construits. Chacun se fera son idée. Je sais pourquoi je me suis engagé. Les gens qui comptent à mes yeux aussi.

« Je ne suis pas une affiche »

Pensiez-vous vous engager en politique un jour ?

Ce n’est pas un milieu qui m’intéressai­t jusqu’ici. Avec le temps, j’ai cessé de croire à la politique. C’est mon avis, mais je pense que c’est assez généralisé comme ressenti. Le fait que cette liste soit apolitique m’a séduit. S’il y avait un parti pris, d’un côté ou de l’autre, ou affilié comme une branche d’un parti, je n’y serais pas allé. Quelle que soit l’orientatio­n.

Vous parlez de liste « apolitique ». L’Alliance Rurale défend des valeurs qui se rapprochen­t de celles de la droite ou de l’extrême droite…

Ma position est clairement apolitique. Les personnes que j’ai rencontrée­s sont dans le même état d’esprit. Les raccourcis sont vite faits, notamment celui de dire qu’à partir du moment où on défend la ruralité, on est une liste qui est là pour piquer des voix au Rassemblem­ent National (RN). Cela me chagrine et m’agace. Je ne pense pas qu’il y ait que des gens du RN qui soient attachés à la ruralité. Je souhaite juste défendre la campagne et les citoyens qui veulent vivre dans ce monde, quelles que soient leurs origines.

Qu’est-ce qui vous a convaincu de rejoindre cette liste ? Aujourd’hui, trop peu d’agriculteu­rs vivent convenable­ment de leur activité. Il y a des choses à faire pour qu’une personne qui nourrit la population vive mieux de son travail. J’ai vu des exploitati­ons, qui étaient parfois en place depuis des années, remises en question. C’est affligeant et triste.

Quelles seront vos missions jusqu’à l’élection ?

L’idée est d’aller à la rencontre des gens, pour leur expliquer notre programme. Je participe aussi aux échanges collectifs afin d’apporter mes idées et ma vision des choses. Je ne voulais pas simplement donner mon nom. Je ne suis pas une affiche. Je veux m’impliquer. J’y vais sans prétention, mais avec mes idées, pour voir ce qui peut être fait.

Comme se passe votre découverte du monde politique ? J’apprends tous les jours. Dans le milieu sportif, il y a aussi des codes de langage. Cela reste deux univers médiatisés. Chaque mot et action peuvent être interprété­s. Il faut faire attention.

Vous êtes né à Paris, puis vous avez grandi en banlieue parisienne. Quel est votre rapport à la ruralité ?

Ni mes parents ni mes grands-parents ne sont agriculteu­rs. Mais quand j’étais jeune, je passais mes vacances chez ma grand-mère maternelle, en Belgique. Il y avait des fermiers juste à côté de chez elle. J’allais chez eux, pour traire les vaches notamment, jusqu’à son décès, quand j’avais 13 ans. Ce sont des très bons souvenirs. Quand on perd quelqu’un qui nous est cher, on se raccroche aux moments passés ensemble.

Durant votre carrière, vous avez dû être éloigné du milieu agricole… C’était une vie différente. Parfois, les sportifs de haut niveau sont déconnecté­s. Vers la fin de ma carrière, j’ai voulu revenir aux valeurs de la terre, en suivant une formation (brevet profession­nel de responsabl­e d’exploitati­on agricole au CFPA de La Réole, en Gironde). Avec la mise en place de notre projet d’élevage de chèvres avec une production de fromages (2022), dans l’Hérault, j’ai rencontré beaucoup de gens du monde agricole. Cela a renforcé mon attachemen­t.

Qu’est-ce qui vous plaisait dans ce projet ?

L’agricultur­e est un milieu difficile. Elle nécessite beaucoup de sacrifices. Mais je suis sûr qu’on aurait pu s’épanouir. Avec ma femme, on voulait se rapprocher de la terre. Jusqu’ici, mes enfants avaient juste connu mon statut de joueur pro, avec ses privilèges. Je voulais leur montrer une autre façon de vivre. Avec l’échec de ce projet (l’été dernier), mon engagement auprès de l’Alliance Rurale a pris encore plus de sens.

Pourquoi cet élevage n’a-t-il jamais vu le jour ?

Pour s’installer, il faut monter plusieurs dossiers administra­tifs, avec de nombreux critères à respecter. Avec ma femme, on était parvenus à aller au bout de ce processus. Dans notre cas, c’était une création complète, avec les bâtiments, le laboratoir­e de transforma­tion… Pour respecter les normes d’hygiène, il fallait consentir à un investisse­ment colossal. Avec la hausse des prix due à la conjonctur­e, cela a commencé à chiffrer. Les taux bancaires ont explosé. La viabilité du projet était remise en cause. Il ne pouvait plus ressembler à notre idée de base. Ce n’était pas raisonnabl­e de s’entêter.

Pourquoi vous sentez-vous proche des valeurs du monde agricole ?

Il y a beaucoup de choses que j’apprécie : le don de soi, la solidarité, le sacrifice, le travail… Ces valeurs ressemblen­t à celles du rugby. Même si, dans le monde agricole, il y a un isolement plus fort.

Né le 5 février 1986 (38 ans) à Paris. 2004-2009 : Montpellie­r.

2009-2016 : Stade Toulousain. 2016-2017 : Northampto­n (Angleterre).

2017-2021 : Montpellie­r.

2021-2022 : Bordeaux.

2008-2019 : 82 sélections avec le XV de France.

2023 : il est contraint d’abandonner son projet d’élevage de chèvres. 2024 : il se reconverti­t dans le domaine de l’assurance.

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| PHOTO : AFP Louis Picamoles, début décembre, lors de l’officialis­ation de sa présence sur la liste l’Alliance Rurale.
 ?? | PHOTO : AFP ?? Louis Picamoles est resté attaché au MHR, son club de coeur, où il a été formé.
| PHOTO : AFP Louis Picamoles est resté attaché au MHR, son club de coeur, où il a été formé.
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