Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
La nutrition, l’autre pièce indissociable du puzzle
Inside Insep. Sans en être la clé, l’alimentation contribue à la performance. Dans le bois de Vincennes, un service diététique accompagne les sportifs et lutte contre les croyances.
La vue sur l’Insep est imprenable. Depuis son bureau, Véronique Rousseau surplombe les pistes d’athlétisme. L’une est couverte d’un côté, l’autre à ciel ouvert. Dans ces anciennes loges attenantes à la Halle Maigrot, le service diététique occupe une place centrale dans le temple du sport français. « C’est un bâtiment un peu exposé parce qu’on fait partie du pôle performance », glisse la diététicienne nutritionniste. Et il n’est pas question qu’il soit ailleurs.
« L’alimentation ne créé pas la performance. Ce n’est pas parce que l’on applique toutes les règles que l’on sera champion du monde demain, temporise-t- elle. En revanche, si c’est mal géré, cela peut être à l’origine d’une contre-performance. » Le rappel n’est pas vain. Le talent, l’entraînement et l’approche technico-tactique restent en haut lieu les clés de voûte de la réussite sportive. L’hygiène de vie étant ensuite un support indispensable au reste.
Difficile d’ailleurs, pour tout sportif de haut niveau, d’échapper à ce volet. « C’est comme s’il y avait un puzzle de la performance et que la nutrition en était une pièce, résume la pionnière du service, qui compte cinq salariées à temps plein. Il suffit qu’il en manque une et tout de suite… » Patatras.
Nombreux sont donc les sportives et sportifs à se presser dans ces bureaux, sur une initiative personnelle ou sur les conseils de leur encadrement. Ce qu’il s’y dit peut être confidentiel. « Il arrive qu’on nous demande de ne pas en parler aux entraîneurs », précise Véronique Rousseau, pour qui l’acte de manger est avant tout une question « intime et personnelle ».
Une intimité qu’il est toutefois primordial de surmonter au moins une fois par an, à l’occasion de la surveillance médicale réglementaire. Obligatoire, elle permet aux diététiciens nutritionnistes de dresser un état des lieux complet. Prises alimentaires, habitudes durant l’entraînement et en dehors, relation avec la nourriture, compléments… Tout est passé au peigne fin.
Ce n’est qu’ensuite que les objectifs et stratégies s’affinent, de façon individualisée et ciblée. Les sports à catégorie de poids s’attardent par exemple sur la perte de poids ou la diminution de la masse grasse, afin de gagner en efficacité et en vivacité. « On peut avoir deux athlètes de 60 kg avec des pourcentages de masse grasse et des apports énergétiques différents. » Et donc des préconisations alimentaires divergentes.
L’échéance des Jeux olympiques l’été prochain aurait pu accroître la fréquentation au sein du service, il n’en est rien. Il s’agit là d’un travail de longue haleine, pas de simples rééquilibrages. « C’est maintenant assez constant. Il y a eu une prise de conscience sur le fait que ce n’est pas quelques semaines ou mois avant les épreuves qu’on met en place une prise en charge, nous explique-t- on. On s’aperçoit en revanche, dans le comportement, qu’ils sont davantage centrés sur cette dimension lorsqu’il y a une compétition importante. » Le réflexe de soigner son plateau devient ainsi naturel.
Aucun aliment interdit, juste une question de fréquence
Mais attention, il ne faut pas se tromper de combat. Si la diététique du sportif doit être adaptée à ses besoins, cette attention portée à l’assiette ne doit pas pour autant se révéler privative. Elle doit inévitablement être soignée à l’approche d’une échéance, sans tomber dans la restriction totale et continue, qui verserait dans le contre-productif. « Aucun aliment n’est interdit et ne doit être associé à la culpabilité, insiste Charline Courtois, elle aussi diététicienne nutritionniste à l’Insep. Il faut garder la notion de plaisir. On n’interdit pas, on essaie seulement de diminuer la fréquence. »
L’acte alimentaire exige une réponse à la fois psychologique donc émotionnelle, sociale puisque le repas est aussi un partage, et biologique, avec un apport énergétique indispensable. « Le tout étant de trouver un équilibre entre ces trois dimensions », tranche Véronique Rousseau. L’équipe nutritionniste suggère ici le cadre, libre aux athlètes de se l’approprier. L’idée étant derrière de modifier ses habitudes de consommation et d’amener à se questionner.
L’alimentation est une chose. Elle doit être saine, équilibrée et variée, mais elle ne doit pas faire oublier non plus l’hydratation. « Il est important de boire 1,5 litre d’eau en dehors des phases d’entraînement, dont 500 ml avant, mais aussi 500 ml par heure d’entraînement », explique Véronique Rousseau.
Le risque d’une mauvaise hydratation ? Blessures, sensation de fatigue et temps de réaction accru, diminution de la performance, temps de concentration en berne… Et là encore, si toutes les pièces du puzzle ne s’imbriquent pas, gare à la sortie de route.