Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

On a joué au client mystère avec le Routard

Philippe Gloaguen, cofondateu­r du Guide du Routard, a accepté de nous faire participer à un déjeuner test dans un restaurant parisien. L’occasion de voir à l’oeuvre un vrai guide en action.

- J’ai testé Clémentine MALIGORNE.

En cinquante ans de carrière, il a eu l’occasion de goûter à la cuisine de plus de 10 000 restaurant­s, en France et lors de ses voyages à l’étranger. Cofondateu­r du mythique Guide du Routard, Philippe Gloaguen a accepté d’ajouter un « test » à sa liste pour nous initier à sa méthode. C’est devant le 9, rue Daguerre, au Denfert Marée, dans le XIVe arrondisse­ment de Paris, qu’il nous a donné rendez-vous pour déjeuner.

Ce petit restaurant jouxte une grande poissonner­ie du même nom. On y mange des produits de la mer fraîchemen­t débarqués. De l’étal à l’assiette, c’est le concept. Discret, l’établissem­ent figure dans le Guide du Routard de la capitale depuis plusieurs années. Mais il vient de changer de propriétai­re. Va-t-il confirmer sa place ?

Attentif à l’accueil et à la décoration

Avant même d’entrer, Philippe Gloaguen vérifie que le menu affiché sur l’ardoise à l’extérieur se retrouve bien sur la carte. « Sinon, c’est malhonnête. On cherche à vous faire payer à la carte, alors qu’il y a certaineme­nt un menu bon marché. » Ici, pas d’arnaque.

Nous entrons. Philippe Gloaguen ne s’annonce pas comme venant du Guide du Routard. Jamais. « On vient toujours incognito. » Avant même de commander, la propreté du lieu et surtout l’accueil sont analysés. Cela passe d’abord par un bon placement en salle. « Si je viens seul et qu’on m’installe à côté de la porte ou tout au fond, je pars », lance ce fils d’instituteu­r catholique breton. Mais ici, on fait visiblemen­t attention à chaque client.

Au menu ce midi, nous optons en entrée pour cinq acras à partager. En plat, Philippe Gloaguen commande une « petite sole » et moi un risotto de Saint- Jacques. Le patron du Routard choisit aussi un pichet de chardonnay. Et demande une carafe d’eau.

Une commande qui a valeur de test. « On vérifie combien de fois il faut demander pour obtenir de l’eau, détaille-t-il, alors que la carafe arrive sur la table. Plus de trois demandes, ça peut être rédhibitoi­re. »

Le serveur change de couverts et de serviettes en débarrassa­nt l’entrée. Philippe Gloaguen le note dans un coin de sa tête. Il approuve. Nous goûtons nos plats mutuels. Son poisson est parfaiteme­nt cuit. Mon risotto est fin et copieux. « Bien relevé », confirme le gourmet.

Mais, à force de tester, les guides du Routard ne risquent-ils pas de prendre du poids ? « Non, on s’arrête juste avant la satiété. Généraleme­nt, on ne

prend pas de dessert, ou un pour deux. » C’est ce que nous faisons : un baba au rhum à partager, et deux cafés.

« Si on est invité, on est coincé »

Il est temps de demander l’addition. En regardant la note, 74,50 € pour deux, sans le vin, Philippe Gloaguen approuve le rapport qualité-prix de ce déjeuner, autre exigence pour figurer dans le Routard. Le célèbre guide vend 2 millions d’exemplaire­s par an. Son lectorat est très large : des étudiants au budget serré comme des gens bien plus fortunés. Autre règle des testeurs du Routard : ne pas accepter les invitation­s, même si le restaurate­ur décou

vre que l’on est un guide en action. « Si on est invité, on est coincé », glisse-t-il, en réglant l’addition.

Philippe Gloaguen se livre à une dernière mission, l’inspection des toilettes. Il peut enfin quitter l’établissem­ent. Sans avoir noté un seul mot, son analyse est déjà prête dans son esprit. « Je parlerai de la nouvelle décoration qui est plus chic, l’autre était plus authentiqu­e. » La note aussi a un peu gonflé : le restaurant passera donc dans la rubrique « prix moyen à plus chic ». Satisfait de son déjeuner, Philippe Gloaguen se dirige vers son scooter. Le voici prêt à (re)prendre la route.

 ?? | PHOTO : OUEST-FRANCE ?? De la cuisson du poisson au temps mis pour servir une carafe d’eau, en passant par le placement en salle ou la qualité des toilettes, Philippe Gloaguen est attentif à tout.
| PHOTO : OUEST-FRANCE De la cuisson du poisson au temps mis pour servir une carafe d’eau, en passant par le placement en salle ou la qualité des toilettes, Philippe Gloaguen est attentif à tout.
 ?? | PHOTO : OUEST-FRANCE ?? La petite sole testée par Philippe Gloaguen au restaurant Denfert Marée, dans le XIVe arrondisse­ment de Paris.
| PHOTO : OUEST-FRANCE La petite sole testée par Philippe Gloaguen au restaurant Denfert Marée, dans le XIVe arrondisse­ment de Paris.
 ?? | PHOTO : STÉPHANE GEUFROI, OUEST-FRANCE ?? Philippe Gloaguen, cofondateu­r du « Guide du Routard », et la journalist­e d’« Ouest-France » Clémentine Maligorne.
| PHOTO : STÉPHANE GEUFROI, OUEST-FRANCE Philippe Gloaguen, cofondateu­r du « Guide du Routard », et la journalist­e d’« Ouest-France » Clémentine Maligorne.

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