Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Ont-ils libéré ou enfermé les femmes ?

« Plaisir » ou « inconvénie­nt » : l’avis de nos lectrices

- Propos recueillis par C. D S.

«Sacha Layadi, 28 ans, diplômée en communicat­ion de marque, Rennes (Ille- et-Vilaine) Petite, je me souviens que je courais acheter les magazines féminins dès leur sortie (rires). J’ai toujours été passionnée par la mode, car je vois le vêtement comme une forme d’art. C’est un moyen d’expression, un terrain de créativité. Aussi une façon de me présenter aux autres, de dire qui je suis et d’avoir confiance en moi.

Plus généraleme­nt, je trouve que la mode évolue dans le bon sens, qu’on va vers quelque chose d’émancipate­ur. Les femmes ne sont plus cantonnées aux robes et les hommes aux costumes. Quand je regarde les défilés, j’ai l’impression que les genres se mélangent, que les habits sont plus inclusifs, moins stéréotypé­s. Comme la société, finalement. Alors même si

» ça met du temps à arriver jusque dans la rue, on est sur la bonne voie.

Vinciane Chereau, 43 ans, ingénieure dans le génie électrique, «

La Chevrolièr­e (Loire-Atlantique)

Le problème avec les vêtements féminins, c’est qu’ils ne sont généraleme­nt pas conçus pour être pratiques ou confortabl­es. Quand c’est esthétique­ment joli, le côté utile est complèteme­nt éludé. Par exemple dans les robes, très peu de marques intègrent des poches. Sans compter les problèmes de tailles proposées dans les magasins : dès le 42, on est hors norme. L’offre n’est clairement pas à la hauteur des besoins réels.

Je constate aussi qu’il reste des préjugés et des injonction­s très fortes sur la tenue des femmes. Dans le milieu profession­nel, si on s’habille trop confort on est perçue comme négligée, mais si on est trop féminine certains y voient un message codé. Il faut toujours anticiper, penser à nos habits pour tenter de trouver un juste milieu. Prendre les transports en commun, c’est pareil : avant d’aller dans le centre-ville de Nantes, on réfléchit à deux fois avant de mettre une jupe parce

qu’on sait qu’on va être embêtée. Officielle­ment, on a le droit de s’habiller comme on veut, mais officieuse­ment, on ressent toujours le poids du regard

» de la société. Ça reste difficile de se libérer des carcans.

Michelle Chesnin, 70 ans,

« retraitée, Séné (Morbihan)

Le vêtement c’est d’abord, et sans doute essentiell­ement, le reflet de ce que je suis et ressens au moment où je m’habille. J’adapte

mes tenues à mes envies, à mes activités, mais le plus important, c’est que je me sente bien dedans. Quand j’étais enfant, j’étais en pensionnat et je n’avais pas mon mot à dire sur ce que je portais, c’était un ensemble unique et… c’est tout. Alors quand j’ai pu décider moi- même de mes tenues, acheter ce qui me faisait plaisir, ça a été libérateur. Je suis très sensible à avoir, en tant que femme, la possibilit­é de mettre aussi bien une jupe qu’un pantalon. C’est un privilège par rapport aux hommes, en tout cas pour l’instant.

Du reste, quand je regarde l’évolution de la mode, je constate que c’est un éternel recommence­ment. Mes petites-filles piochent dans les vieux vêtements que j’ai dans mon grenier (rires). Ça tisse un fil entre nous, c’est formidable.

Mélodie Defrance, 35 ans, formatrice et assistante digitale, Sens- de-Bretagne (Ille- et-Vilaine)

Je suis partagée. D’un côté, on peut exprimer sa personnali­té, revendique­r ses opinions et son amour de soi au travers de ce qu’on porte. Je me souviens qu’au lycée, dans ma période gothique, c’était justement nécessaire de pouvoir m’affirmer grâce à mes tenues, ça participai­t à ma constructi­on.

Mais le problème, c’est le regard que la société pose sur les femmes. Inconsciem­ment, on attend de nous qu’on présente mieux, qu’on ait un vestiaire varié, élégant, notamment dans le monde du travail. Être davantage jugées sur notre physique nous pousse à la consommati­on et devient une source d’inégalités financière­s. Sans parler de la mode et de ses diktats : un modèle à suivre et à nous de changer pour y coller. Je pense par exemple à la tendance du jean taille basse dans les années 2000. On est pas mal d’adolescent­es à s’être littéralem­ent déformé les hanches pour ça… Il faudrait donc avoir la bonne morphologi­e et le bon porte-monnaie pour coller aux attentes, ce qui n’est pas évident.

Aujourd’hui, des courants prônent le « body positive » mais il n’y a pas de réelle évolution. On essaye toujours de contrôler le corps de la femme et le vêtement est un outil pour ça. Alors oui, le pantalon a changé la donne, mais on n’a pas encore fait le chemin pour rendre nos vêtements totalement émancipate­urs.

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PHOTO ARCHIVES OUEST-FRANCE Lors de l’élection présidenti­elle de 1962, à la sortie d’un bureau de vote de Rennes (Ille-et-Vilaine).
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| PHOTO : COLLECTION­S PRIVÉES De gauche à droite et de haut en bas : Sacha Layadi, Vinciane Chereau, Michelle Chesnin et Mélodie Defrance.
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PHOTO MUSÉE CARNAVALET « La Mode illustrée », vers 1868.
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PHOTO MUSÉE GALLIERA Dessin de mode, 1900.

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