Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

À la recherche du fantastiqu­e « petit peuple »

Légendes et fantômes de l’Ouest. Korrigans, fées ou bugale an noz (les enfants de la nuit) : le visage et les moeurs de ces créatures ont été décrits dans nombre de textes de folklorist­es.

- Françoise SURCOUF.

La légende désigne les trolls, elfes, fées et autres korrigans venus hanter le folklore celtique par le terme de « petit peuple ». Ces énigmatiqu­es petits êtres furètent, la nuit venue, dans les maisons, courent les landes bretonnes et posséderai­ent des dons extraordin­aires.

Ils connaissen­t les secrets du passé et les mystères de l’avenir, possèdent des trésors cachés, se métamorpho­sent à souhait et jouent volontiers des tours pendables… C’est aussi à eux que l’on doit les fameux « ronds de sorcière », que l’on découvre dans les prés ou en sousbois et qui témoignent de la présence de cette vie parallèle à l’existence humaine.

Les korrigans, d’espiègles petits êtres

Le korrigan, du breton korr (nain), est reconnaiss­able à sa drôle d’apparence. Il est doté d’un nez aussi imposant que ses oreilles, d’une chevelure impression­nante et enfile un chapeau pointu, une veste verte et des guêtres. Cette créature se cache dans les grottes, sous les dolmens, mais également dans les landes, les sources et les fontaines peuplant les forêts sur lesquelles elle veille. La plus illustre d’entre elles est Brocéliand­e, lieu mythique, décrit par Chrétien de Troyes à la fin du XIIe siècle, situé à Paimpont (Ille- et-Vilaine).

Cette étendue boisée, la plus grande de Bretagne, couvre une superficie de quelque 11 000 hectares. Elle est, depuis toujours, le rendez-vous des amateurs de légendes qui espèrent découvrir, au détour d’un sentier, l’une de ces créatures fantastiqu­es qui se nichent au creux des bois. Mais il faut s’armer de patience et attendre le bon moment. L’hiver, à l’instar des marmottes, les korrigans hibernent, pour ne se réveiller qu’aux beaux jours.

Néanmoins, quiconque au printemps croise leur chemin ou les dérange risque de devenir la victime de leurs tours ou de leurs défis. Si vous gagnez contre eux, vous aurez le droit de formuler un voeu, mais, si

vous perdez, vous risquez de vous retrouver piégé et d’avoir du mal à recouvrer votre liberté. Néanmoins, s’ils sont farceurs et parfois cruels, ils se montrent, la plupart du temps, extrêmemen­t bienveilla­nts et capables d’une grande générosité.

Différente­s sortes de petites créatures

Il existe plusieurs sortes de korrigans. Les plus connus sont sans doute les « poulpicans », qui ont construit leurs terriers dans les lieux bas et humides, comme le contrebas des berges de rivières. Ces petits êtres sympathiqu­es sont proches des lutins et batifolent avec eux dans les landes en Bretagne ou en Vendée. Ils fréquenten­t volontiers les hommes et leur rendent de nombreux services. Assimilés à de bons génies, ils aident les plus insouciant­s à retrouver ce qu’ils ont égaré. Il suffit de les prier avant de se coucher et, au matin, les objets perdus réapparais­sent comme par enchanteme­nt.

Le teuz ar pouliet (l’espiègle de la mare), habite, lui, dans les eaux et peut prendre des formes diverses et variées, à moins qu’il ne préfère se rendre invisible… D’autres semblent plus inquiétant­s. Le droug- speret (mauvais esprit), ou Aëzraouant, entité assez mal définie et protéiform­e, loge dans les puits et les étangs.

Ce dernier tente d’attirer femmes et enfants, en leur faisant miroiter colliers, bracelets ou autres bijoux. Parfois même, il se contente de faire glisser au fil de l’eau un miroir dont le scintillem­ent induit sa proie en erreur. Dès lors, l’Aëzraouant, caché sous les herbes, entraîne dans son palais de cristal l’imprudent, qui se baisse pour saisir l’objet de sa convoitise, et l’enchaîne, le réduisant à jamais à l’état d’esclave, corvéable à merci.

Les fées des eaux

La tradition bretonne veut qu’un monde fantastiqu­e existe au- dessous des eaux dormantes, où des fées aussi séduisante­s que dangereuse­s séviraient. La nuit, les courageux tentant de s’aventurer sur le domaine de ces dames malveillan­tes seraient expiés, souvent cruellemen­t, pour leur imprudence.

Lorsque certaines de ces sirènes attirent les passants pour les dévorer, d’autres guettent dans les ténèbres ceux qui s’attardent près des étangs

et les entraînent sous les eaux. D’autres encore se plaisent à faire couler les bateaux naviguant sur les étangs, nouant leurs chevelures aux hélices pour les attirer au fond.

Si nombre d’entre elles ne sont pas de nature bienveilla­nte, d’autres sont mieux intentionn­ées et peuvent même s’avérer protectric­es. La plus célèbre est sans nul doute la fée Viviane, qui réside au coeur de la forêt de Brocéliand­e. La légende raconte qu’un jour, alors qu’elle chantait près du lac au pied du château de Comper (Morbihan), Merlin l’aperçut pour la première fois. Tombé éperdument amoureux de la jeune fille, l’enchanteur la combla alors d’attentions, lui fit bâtir un somptueux palais de cristal, invisible aux yeux de tous, sauf à ceux de sa bien-aimée et des gens de sa suite. Les simples mortels, eux, ne distinguan­t que les vaguelette­s du lac de Comper.

Au fil des jours et des années, Merlin initia Viviane à l’art de la magie, lui livrant tous ses secrets. Jusqu’à celui qui causa sa perte… Voulant le garder près d’elle à jamais, la fée utilisa finalement cette formule pour emprisonne­r l’enchanteur à jamais. Tout au long de la légende de la Table ronde, la Dame du lac surveiller­a et protégera les chevaliers et le roi Arthur…

 ?? PHOTO : ARCHIVES THIERRY CREUX, OUEST-FRANCE ?? La forêt de Brocéliand­e, lieu mythique, a été décrite par Chrétien de Troyes à la fin du XIIe siècle.|
PHOTO : ARCHIVES THIERRY CREUX, OUEST-FRANCE La forêt de Brocéliand­e, lieu mythique, a été décrite par Chrétien de Troyes à la fin du XIIe siècle.|
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| PHOTO : GRAVURE XIXÈME Paysanne et korrigans (gravure du XIXe siècle).

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