Idles pousse un grand cri d’amour post-punk

Le cinquième album du quintet punk humaniste pousse les contrastes à fond et ouvre les horizons d’un groupe dont l’aura croît à chaque étape.

On avait déjà entendu Joe Talbot chanter avec une délicatesse poignante, plutôt que de rapper ou d’exploser. Jamais autant que dans Tangk, jamais dans un contexte aussi dénudé (un piano à queue dans A Gospel qui dit son amour à sa fille de 4 ans). Et le bien nommé Grace, voix en équilibre sur une rythmique batterie-basse qui serait martiale si elle n’était étouffée, peut provoquer une chair de poule.

Mais bien sûr et heureusement, Tangk, un titre onomatopée évoquant des guitares qui claquent, a son lot de chansons brûlantes qui font des Idles le groupe live le plus excitant de ces dernières années. Gift Horse, le premier single, avec son rythme de combat, ses guitares qui font… « tangk », le rap de Talbot et un refrain glorieux à beugler toute joie dehors, est un titre typique d’Idles et l’un des plus exaltants. Là aussi, la recherche de nouveautés sonores qui pousse toujours ce groupe en avant, est perceptible.

Riche palette sonore

Le moustachu guitariste Mark Bowen, ancien dentiste hospitalier qui aime jouer en robe sur scène, s’est associé au très renommé producteur Nigel Godrich (le producteur attitré de Radiohead) qui lui a appris l’art des boucles sonores, mais peutêtre aussi le bon usage du piano. La palette sonore du groupe s’enrichit sévèrement.

Idles, qui a surgi sur la scène britannique avec un Brutalism qui rendait hom

mage à l a mère décédée de Talbot, a toujours été un groupe adulte, par le simple âge de ses membres (Talbot a maintenant 39 ans), ce qui n’empêche pas un idéalisme certain.

Joe Talbot parle beaucoup d’amour, y compris d’amour déchu (il est séparé de la mère de sa fille) , mais plus que l’amour romantique, il invoque l’amour comme une force globale et rédemptrice, celui entre le groupe et son public enthousiaste, comme celui de chacun avec sa communauté et son prochain.

Ni dieu ni roi, c’est l’amour qui doit mener notre vie, répète-t-il.

Une des grandes forces d’Idles, outre la qualité de musiciens qui savent jouer de brutalité comme de délicatesse, est d’ailleurs la capacité de Talbot à donner une portée universelle à des textes souvent très biographiques. La quête pour devenir meilleur, pour soi et les autres, est une colline à gravir sans cesse.

Mais cela est fait sans trop de pathos et sans moralisme, une dose d’humour et d’absurde restant essentielle. Ainsi, l’hommage de Talbot à son père, Hall & Oates, prend la forme d’un morceau prépunk frontal (à la Stooges ou MC5) entrecoupé d’un intermède lyrique. Cet album énergisant et puissamment contrasté est un grand cri d’amour. Et les bouchons d’oreille ne sont pas toujours nécessaires.

Tangk, Partisan, 11 titres, 40 min

| PHOTO : TOM HAM Le groupe britannique Idles sort un cinquième album contrasté et fort.