Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Le rock n’a pas eu la peau de Pete Doherty

Musique. Le musicien anglais, qui vit en Normandie, est au coeur d’un documentai­re réalisé par son épouse Katia de Vidas. Une histoire de musique et de drogue qui, une fois n’est pas coutume, finit bien.

- Philippe MATHÉ.

La journée a été longue pour Pete Doherty. La veille, il a passé la soirée dans un studio à Honfleur (Calvados), où il prépare les chansons d’un album solo, qui pourrait sortir dès cette année. Aujourd’hui, à Paris, il assure la promotion du documentai­re qui lui est consacré, réalisé par son épouse Katia deVidas. Il y a aussi la publicatio­n de la traduction française de sa biographie, un nouvel album de son groupe : The Libertines, des concerts…

« Notre prochain jour off, c’est dans un mois », avoue Katia. Elle essaie de protéger son rockeur de mari de ce rythme infernal. Lui ne voit pas de raison de ralentir : « Peut- être est- ce mon dernier sursaut d’énergie ? Peut- être qu’ensuite, je vais retourner habiter dans les bois en Normandie ? »

À 44 ans, Peter Doherty est un survivant. Du rock. Des drogues. Une vie d’excès que le documentai­re Peter Doherty : Stranger in My Own Skin raconte sans fard. « J’étais un drogué, un chanteur de rock’n’roll. Elle était camerawoma­n. On est devenus amis. Et comme je vivais cette existence que je trouvais terribleme­nt excitante, et qu’elle avait une caméra, on s’est dit qu’il fallait capturer certains de ces étranges moments », résume Pete.

« Peter m’a laissée filmer sans aucune censure »

Cela durera dix ans. Près de 200 heures de rushs. Gloire, chute, drogues, prison, concerts, opérations, désintoxic­ation. Tout y passe. Des moments de grâce jusqu’aux instants sordides. « Peter est quelqu’un de très transparen­t, il m’a laissée filmer sans aucune censure. Ce que j’ai retenu au montage ne dépend que de moi. »

Pete avoue qu’il n’aurait pas forcément fait les mêmes choix. Dans l’une des scènes les plus émouvantes du documentai­re, son père monte sur scène pour chanter avec lui What A Waster (quel gâchis), le titre qui a révélé The Libertines, en 2002. À cette évocation, il tique : « J’étais totale

ment mortifié ! Vous imaginez si moi, je m’étais pointé sur son lieu de travail ? Il m’aurait fait arrêter ! Et lui, il débarque comme ça, alors que j’essaie d’avoir l’air cool sur scène. »

À l’évocation de ce père militaire, à l’éducation rigide, on sent une blessure jamais refermée. « Est- ce que j’ai fait tout ça pour attirer son attention et qu’il soit fier de moi ? Mais enfin, on fait quoi, là ? Une interview ou une thérapie ? », s’amuse-t-il.

Désormais, Peter Doherty a réussi à dompter ses démons. Il ne touche plus à la drogue depuis trois ans. Le documentai­re de Katia deVidas s’arrête alors qu’il achève son ultime cure de désintoxic­ation, en Thaïlande. « Ensuite, nous formions un couple. Alors, j’ai posé la caméra. »

Ce qu’elle n’a pas filmé, c’est cette nouvelle vie au bord des falaises d’Étretat, en Normandie. Les magazines people qui traquent Pete depuis tant d’années s’en sont chargés. La silhouette qui a pris de l’épaisseur, le mariage et l’arrivée, il y a quelques mois, d’une fille, Billie- May. « Quand elle est née, j’ai dû écrire six ou sept chansons en trois ou quatre semaines, ce qui est énorme pour moi. Normalemen­t ça m’aurait pris plusieurs mois ! »

Il raconte lui jouer régulièrem­ent de la guitare, la voir s’émerveille­r devant le son de l’instrument. Avec BillieMay, pas besoin de se torturer les méninges. Il se met à chanter : « Une poule sur un mur, qui picotait du pain dur… »

Supporter de foot et du HAC

À Étretat, ce fan absolu des Queens Park Rangers – « enfant, je rêvais de marquer pour QPR en finale de la Cup » – s’est aussi pris de passion pour le HAC, le club de football du Havre. « Ma fille est née la veille de leur montée en Ligue 1 ! Il y a une connexion entre ce club et moi. »

Il se rend parfois au stade avec son beau-frère, apprécie l’ambiance et surtout le fait de pouvoir être debout dans certaines tribunes. « C’est devenu interdit en Angleterre. Là, je peux rester debout derrière le but, à chanter et à hurler pour essayer de distraire le gardien adverse. Ce sont des moments où je me sens tellement bien. Comme quand je marche en forêt ou que je regarde l’estuaire depuis ma terrasse en fumant une cigarette. »

En Normandie, Pete Doherty voit la vie en rose. Avec Katia, ils évoquent un nouveau projet de film qui se déroulerai­t autour d’Étretat, forcément. Quel genre ? « Une comédie noire », dit- il en français. Avec lui, le tragique n’est jamais loin mais il est autorisé d’en rire.

Peter Doherty : Stranger in My Own Skin, diffusé lundi 19 février, sur Canal + Docs. Un garçon charmant, Le Cherche Midi (480 pages, 22 €). Le nouvel album des Libertines, All Quiet on The Eastern Esplanade, sort le 29 mars chez Universal. Le groupe sera en concert le 17 mai à Art Rock à Saint-Brieuc (Côtes- d’Armor).

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| PHOTO : STÉPHANE GEUFROI / OUEST-FRANCE Pete Doherty, à Paris le 5 février : « Peut-être est-ce mon dernier sursaut d’énergie ? Peut-être que je vais ensuite retourner habiter dans les bois en Normandie. »

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