Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Guillaume Warmuz, l’odyssée du gardien de but

Souvenirs. Passé par Marseille, Lens, Arsenal, Dortmund et Monaco, l’ancien gardien de but a connu une longue et riche carrière sur laquelle il jette un regard sans nostalgie, ni regret.

- Aumonier au Creusot… Recueilli par Jérôme BERGOT.

Guillaume Warmuz (53 ans).

Enfant vous rêviez d’être… mécanicien sur un porte-avions ?

Oui, et je crois que j’aurais été très heureux sur un porte-avions, à faire de la mécanique, voir les avions décoller… En fait, ça rejoint deux idées. J’ai toujours été intéressé par l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, les divisions aéroportée­s, le courage des pilotes dans la tempête, tout ça. Et puis, adolescent, plutôt que d’aller en centre aéré pendant les vacances d’été, j’ai travaillé dans un garage, près de Montceau-les-Mines. Et j’ai été fasciné par la mécanique, Ça m’intéressai­t beaucoup de voir comment on réparait les voitures… J’aimais l’ambiance du garage. Ce qui me stupéfiait, c’étaient les mécanicien­s qui savaient exactement ce qu’il fallait faire et comme il fallait faire.

Mais vous êtes devenu gardien de but, en passant par l’INF Vichy… C’était la meilleure école pour un gardien. Quand je vois aujourd’hui des erreurs de placement, je sais qu’avec la formation INF, c’est impossible. Im-po- ssible ! À l’époque, dans les années 1980, il n’existait pas de centres de formation, à part à Nantes ou Auxerre. C’était les prémices.

C’est là que Michel Hidalgo, alors directeur sportif de Marseille, vous repère, à 17 ans ?

On venait de gagner la Gambardell­a, avec l’INF, et j’étais surclassé… Pour lui, c’était naturel de venir prendre un gardien qui sortait de l’INF.

À Marseille où vous êtes remplaçant, vous découvrez les entraîneme­nts particulie­rs de Papin…

JPP ! Il faisait des « post entraîneme­nts » face au but. J’avais d’abord les Allemands (Klaus Allofs et Karl Heinz Förster) et lui après… C’était un féroce de travail ! Ça durait 20 minutes, des reprises de volée, des penalties, et l’entraîneur, Gérard Gili, avait peur, qu’il se blesse… Il mettait tout ce qu’il avait, il ne savait pas faire autrement. Franchemen­t, c’était ingrat pour un gardien, une mise au pilori. Mais c’était aussi extraordin­aire pour moi qui avais 18 ans. Et je m’étais donné un mot d’ordre, que j’avais appris à l’INF, c’était de jouer tous les ballons, même si j’étais mort.

Vous ne jouez pas avec l’OM pendant deux ans, mais vous auriez pu disputer le fameux match BenficaMar­seille passé à la postérité avec le but marqué de la main par Vata… Après le match aller, Tapie a dit : “on va changer de gardien !” Le Boss était en colère parce que c’est un match que l’OM aurait dû gagner 4-1

ou 5-1 au lieu de 2-1 seulement demifinale aller de la Ligue des champions. C’est sorti dans la presse, et tout l’appareil médiatique m’est tombé dessus. Tout le monde m’appelle, je réponds, je parle, je me disperse, sans limite. Je n’avais pas l’expérience, pas de repères… Et puis, à l’entraîneme­nt, j’ai eu un petit peu mal à l’épaule et je ne peux pas jouer le match que je devais jouer en championna­t, à Saint- Étienne, trois jours avant Benfica, pour me préparer. C’était vraiment le baptême du feu idéal, et je ne peux pas, car j’ai vraiment mal. Donc à Lisbonne, je suis sur le banc. Je n’ai pas vu la main à la 83e, ce but qui n’existerait plus aujourd’hui avec la VAR. La frustratio­n a été énorme, on était en finale et avec l’équipe qu’on avait…

Quelques années plus tard, c’est à Lens que vous faites carrière jusqu’à devenir champion de France en 1998. Avec un entraîneur charismati­que, Daniel Leclercq…

Daniel… Il était particulie­r.

Psychorigi­de, intransige­ant ?

Avec lui, une idée s’imposait toujours d’elle- même, il n’y avait pas d’autre chemin. Pour lui le football, c’était comme ça et pas autrement. Un jour, à Nancy, on menait 1- 0, on monopolisa­it le ballon genre Barcelone, il doit y avoir au moins 2- 0 ou 3- 0. Il reste dix minutes et on n’est pas à l’abri d’un but, alors on conserve le ballon…

Mais Daniel, son idée, c’était de marquer des buts, de jouer bien, mais pas pour garder la balle, pour marquer des buts. Il y avait que ça qui

l’intéressai­t. Jouer bien pour marquer le maximum de buts, du panache ! Alors d’un coup, il se lève et, salut, il s’en va ! Il quitte le terrain ! C’était ça, Daniel Leclercq. C’était transposab­le tout le temps. Mais sans lui, il n’y aurait pas eu le titre de champion, parce que c’est ça qui nous a amenés au titre. Il a poussé les joueurs.

On sortait des années Patrice Bergues, on avait un système tactique, on marquait moins de buts mais on était très dur à battre. Et on rencontre quelqu’un qui est l’opposé de ça. On avait de la glace et d’un coup, on a eu de l’eau chaude, c’était compliqué à gérer. Mais c’est grâce à ça, son exigence, on devient ce qu’il veut, ce qu’il est et tout est réglé : calme, sérénité, paix, tranquilli­té… Il ne veut pas jouer d’autre football que celui-là et il n’en changera jamais.

Vous auriez aussi pu jouer la Coupe du monde en 1998…

Là ce n’est pas réellement un regret. Le regret c’est qu’on a loupé quelque chose. Certes j’aurais été à genoux à Clairefont­aine, mais je n’ai pas d’amertume. Le regret, c’est si je n’avais pas été champion, si je n’avais pas fait ceci ou cela. Là j’ai 28 ans, je suis champion de France. Qu’est- ce que je peux faire plus ? Quand je regarde la liste apparaître et que mon nom n’y est pas… Je m’en doutais un peu. Je n’ai pas de compte à régler avec Aimé Jacquet, je n’ai rien à dire, j’ai énormément de respect pour lui, ça fait partie de mon histoire.

En 2021, vous êtes arrivé à Mâcon, comment cela s’est-il passé ?

J’ai donné une conférence des gardiens à Dijon pendant le Covid et il y avait le papa d’Antoine Griezmann, Alain, président de Mâcon, que je ne connaissai­s pas. On a discuté, il m’a demandé si je pouvais être disponible pour venir faire un ou deux entraîneme­nts spécifique­s de gardien dans la semaine… Et puis, au fil du temps, comme il voulait structurer le club, il m’a demandé de venir aussi aux matches, et de façon plus large, donner mon avis.

Vous étiez le directeur sportif ?

On peut dire ça, j’avais un regard général. On a fait une saison exceptionn­elle en R1, on est monté en N3 et l’année dernière en N2. Ensuite cela a été un petit peu plus difficile. Il ne faut pas y aller trop vite, Mâcon n’a jamais eu d’équipe profession­nelle, le club est au plus haut… Après deux années et demie de cette aventure formidable, j’ai décidé d’arrêter.

« Sans Daniel Leclercq, il n’y aurait pas eu le titre de champion »

Par ailleurs, vous vous occupez de maisons de retraite ?

Je suis responsabl­e en aumônerie. J’étais dans une dimension d’aide, de charité chrétienne et, par hasard, on m’a proposé cela… Depuis huit ans je suis l’aumônier de quatre maisons de retraite, au Creusot. Je visite régulièrem­ent ces gens souvent malades, à la mémoire fragile. Pour eux je ne suis pas l’ancien gardien de but, juste Guillaume…

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 ?? | PHOTO : JOURNAL DE SAÔNE ET LOIRE / PHILIPPE RENAULT ?? Guillaume Warmuz aujourd’hui, et hier sous le maillot de l’AS Monaco
| PHOTO : JOURNAL DE SAÔNE ET LOIRE / PHILIPPE RENAULT Guillaume Warmuz aujourd’hui, et hier sous le maillot de l’AS Monaco

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