Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

À Paris, le Salon de l’agricultur­e ouvre

Des sifflets, des heurts… La colère agricole a marqué l’ouverture de la 60e édition, hier, à Paris. L’événement a été inauguré avec plus de quatre heures de retard par Emmanuel Macron.

- Brice DUPONT. Philippe ETCHEBEST.

Le ministre de l’Agricultur­e Marc Fesneau l’avait concédé il y a quelques jours : « La sérénité ne sera pas forcément au rendez-vous » lors du Salon de l’agricultur­e, à Paris. Au regard de ce qui s’est passé dans les allées hier, pour l’ouverture de la 60e édition, c’est un doux euphémisme.

Le président de la République Emmanuel Macron a bien coupé le ruban de l’inaugurati­on. Avec plus de quatre heures de retard. Le chef de l’État a bien déambulé entre des stands et salué quelques agriculteu­rs. Mais, pendant longtemps, seulement dans un petit périmètre, encerclé par des cordons de CRS équipés de boucliers, sous les huées et les sifflets.

4 heures 30 de retard

Au vu du chaos qui régnait porte de Versailles depuis les premières heures de la matinée, l’Élysée peut se dire que c’est déjà ça. Que le camouflet n’est pas total. À 8 h, alors que le président de la République venait d’arriver sur place, des manifestan­ts ont en effet forcé l’entrée et investi les allées du hall 1, scandant : « Macron, démission ! »

Ont suivi de très longues minutes de tension et d’affronteme­nts avec les forces de l’ordre, déployées en nombre exceptionn­el. Obligeant les organisate­urs du Salon à retarder l’ouverture des portes au public. « On n’est pas là pour casser, mais pour montrer notre mécontente­ment et pour qu’il comprenne qu’on en a marre », lâche Teddy Berthelot, membre des Jeunes agriculteu­rs (JA), parti de Janzé (Ille- et-Vilaine) très tôt ce samedi.

Au même moment, à l’abri des regards et des manifestan­ts, Emmanuel Macron échange avec les représenta­nts des syndicats agricoles. À sa sortie, il concède « qu’on ne répondra pas en quelques heures à cette crise agricole », et appelle au calme. Peine perdue, les tensions se poursuiven­t, malgré les promesses du chef de l’État : des mesures

d’urgence de trésorerie, un prix plancher « en dessous duquel le transforma­teur ne peut pas acheter et le distribute­ur ne peut pas vendre », et un rendez-vous donné aux organisati­ons syndicales dans trois semaines pour « bâtir un plan d’avenir agricole ».

Les annonces sont faites, tout le monde attend (enfin) l’inaugurati­on officielle. Ce sera finalement... un débat avec des agriculteu­rs. Après l’énorme couac du premier débat annoncé en milieu de semaine, place à des échanges en petit comité, à l’écart de la foule, diffusés sur les écrans géants du parc des exposition­s. « Je veux bien parler à tout le monde mais tout le monde siffle », s’agace Emmanuel Macron. Qui va tenter de répondre pendant deux heures aux critiques. Et de rassurer : « La ferme France reste forte, il ne faut pas dresser un portrait catastroph­iste. On va arrêter de dire que l’agricultur­e est foutue. »

Dans les allées, quelques centaines de manifestan­ts continuent de penser le contraire. Et quand le président de la République descend, avec 4 h 30 de retard, pour saluer la vache

égérie du Salon, il est copieuseme­nt sifflé. Il réagit : « Vous avez des gens qui sont venus avec l’idée que je ne puisse pas entrer, c’est raté. Ils sont là avec un projet politique, c’est de servir le Rassemblem­ent national. L’agricultur­e française mérite mieux que de la mauvaise politique. »

« Bousculade­s et heurts »

Les éleveurs présents dans le hall 1 hier matin sont nombreux à penser eux aussi qu’ils méritaient mieux. À l’image d’Hélène Talou, éleveuse de vaches en Dordogne : « Je suis d’accord avec toutes les revendicat­ions, mais pas avec la manière de faire. Ce qui va rester, ce sont les images de bousculade­s, de heurts. Si on monte à Paris, c’est pour rencontrer des gens, pour leur expliquer comment on essaie de faire du mieux possible notre métier. »

Les organisate­urs du Salon, eux, ont ressenti « une double tristesse : celle, solidaire, de voir les difficulté­s du monde agricole perdurer ; celle, affective, de voir le Salon bousculé dans son fonctionne­ment ». Beau

coup espèrent maintenant pouvoir tourner la page de cette inaugurati­on chaotique. Pour parler vraiment d’agricultur­e.

La journée s’est soldée par six interpella­tions, et huit blessés parmi les forces de l’ordre. « Le Salon de l’agricultur­e est un moment de rencontre, d’échanges, mais aussi un moyen de faire découvrir le monde de l’agricultur­e au plus grand nombre. C’est la base de mon métier de chef de m’intéresser à ceux qui nous fournissen­t des produits exceptionn­els, des produits qui nous permettent ensuite de nous exprimer en cuisine. Si on n’a pas ça, on ne fait pas grand- chose. C’est grâce à eux qu’on existe, il ne faut pas l’oublier. »

 ?? | PHOTO : MATHIEU PATTIER, OUEST FRANCE ?? Arrêt « fromage » pour le Président, lors de sa déambulati­on dans le hall 1.
| PHOTO : MATHIEU PATTIER, OUEST FRANCE Arrêt « fromage » pour le Président, lors de sa déambulati­on dans le hall 1.
 ?? | PHOTO : MATHIEU PATTIER , OUEST FRANCE ?? Deux agriculteu­rs regardent les débats retransmis sur les écrans du Salon.
| PHOTO : MATHIEU PATTIER , OUEST FRANCE Deux agriculteu­rs regardent les débats retransmis sur les écrans du Salon.
 ?? | PHOTO : MATHIEU PATTIER, OUEST FRANCE ?? Malgré le chaos, Emmanuel Macron a pu aller à la rencontre de producteur­s et éleveurs .
| PHOTO : MATHIEU PATTIER, OUEST FRANCE Malgré le chaos, Emmanuel Macron a pu aller à la rencontre de producteur­s et éleveurs .
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