Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
À Paris, le Salon de l’agriculture ouvre
Des sifflets, des heurts… La colère agricole a marqué l’ouverture de la 60e édition, hier, à Paris. L’événement a été inauguré avec plus de quatre heures de retard par Emmanuel Macron.
Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau l’avait concédé il y a quelques jours : « La sérénité ne sera pas forcément au rendez-vous » lors du Salon de l’agriculture, à Paris. Au regard de ce qui s’est passé dans les allées hier, pour l’ouverture de la 60e édition, c’est un doux euphémisme.
Le président de la République Emmanuel Macron a bien coupé le ruban de l’inauguration. Avec plus de quatre heures de retard. Le chef de l’État a bien déambulé entre des stands et salué quelques agriculteurs. Mais, pendant longtemps, seulement dans un petit périmètre, encerclé par des cordons de CRS équipés de boucliers, sous les huées et les sifflets.
4 heures 30 de retard
Au vu du chaos qui régnait porte de Versailles depuis les premières heures de la matinée, l’Élysée peut se dire que c’est déjà ça. Que le camouflet n’est pas total. À 8 h, alors que le président de la République venait d’arriver sur place, des manifestants ont en effet forcé l’entrée et investi les allées du hall 1, scandant : « Macron, démission ! »
Ont suivi de très longues minutes de tension et d’affrontements avec les forces de l’ordre, déployées en nombre exceptionnel. Obligeant les organisateurs du Salon à retarder l’ouverture des portes au public. « On n’est pas là pour casser, mais pour montrer notre mécontentement et pour qu’il comprenne qu’on en a marre », lâche Teddy Berthelot, membre des Jeunes agriculteurs (JA), parti de Janzé (Ille- et-Vilaine) très tôt ce samedi.
Au même moment, à l’abri des regards et des manifestants, Emmanuel Macron échange avec les représentants des syndicats agricoles. À sa sortie, il concède « qu’on ne répondra pas en quelques heures à cette crise agricole », et appelle au calme. Peine perdue, les tensions se poursuivent, malgré les promesses du chef de l’État : des mesures
d’urgence de trésorerie, un prix plancher « en dessous duquel le transformateur ne peut pas acheter et le distributeur ne peut pas vendre », et un rendez-vous donné aux organisations syndicales dans trois semaines pour « bâtir un plan d’avenir agricole ».
Les annonces sont faites, tout le monde attend (enfin) l’inauguration officielle. Ce sera finalement... un débat avec des agriculteurs. Après l’énorme couac du premier débat annoncé en milieu de semaine, place à des échanges en petit comité, à l’écart de la foule, diffusés sur les écrans géants du parc des expositions. « Je veux bien parler à tout le monde mais tout le monde siffle », s’agace Emmanuel Macron. Qui va tenter de répondre pendant deux heures aux critiques. Et de rassurer : « La ferme France reste forte, il ne faut pas dresser un portrait catastrophiste. On va arrêter de dire que l’agriculture est foutue. »
Dans les allées, quelques centaines de manifestants continuent de penser le contraire. Et quand le président de la République descend, avec 4 h 30 de retard, pour saluer la vache
égérie du Salon, il est copieusement sifflé. Il réagit : « Vous avez des gens qui sont venus avec l’idée que je ne puisse pas entrer, c’est raté. Ils sont là avec un projet politique, c’est de servir le Rassemblement national. L’agriculture française mérite mieux que de la mauvaise politique. »
« Bousculades et heurts »
Les éleveurs présents dans le hall 1 hier matin sont nombreux à penser eux aussi qu’ils méritaient mieux. À l’image d’Hélène Talou, éleveuse de vaches en Dordogne : « Je suis d’accord avec toutes les revendications, mais pas avec la manière de faire. Ce qui va rester, ce sont les images de bousculades, de heurts. Si on monte à Paris, c’est pour rencontrer des gens, pour leur expliquer comment on essaie de faire du mieux possible notre métier. »
Les organisateurs du Salon, eux, ont ressenti « une double tristesse : celle, solidaire, de voir les difficultés du monde agricole perdurer ; celle, affective, de voir le Salon bousculé dans son fonctionnement ». Beau
coup espèrent maintenant pouvoir tourner la page de cette inauguration chaotique. Pour parler vraiment d’agriculture.
La journée s’est soldée par six interpellations, et huit blessés parmi les forces de l’ordre. « Le Salon de l’agriculture est un moment de rencontre, d’échanges, mais aussi un moyen de faire découvrir le monde de l’agriculture au plus grand nombre. C’est la base de mon métier de chef de m’intéresser à ceux qui nous fournissent des produits exceptionnels, des produits qui nous permettent ensuite de nous exprimer en cuisine. Si on n’a pas ça, on ne fait pas grand- chose. C’est grâce à eux qu’on existe, il ne faut pas l’oublier. »