Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

En retard et dans un chaos inédit

Grilles forcées par les agriculteu­rs et exposants refoulés

- Claire ROBIN.

Aux premières heures de la journée à Paris, dans la ville encore calme, les agriculteu­rs ont la porte de Versailles rien que pour eux. Le Salon de l’agricultur­e doit ouvrir ses portes à 9 h. En attendant, les tracteurs forment un arc de cercle au sein duquel ils se réchauffen­t avec un café, leur teeshirt Jeunes agriculteu­rs (JA) ou FNSEA enfilé par- dessus leur gros manteau. Au beau milieu de ce village improvisé, Arnaud Rousseau, président du syndicat majoritair­e, donne une interview. On se bouscule pour le prendre en photo.

« On est venus en transports en commun, raconte Clément Torpier, président des JA d’Île- de- France et céréalier en Seine- et- Marne. Certains ont passé la nuit ici et il n’y a aucune dégradatio­n, preuve qu’on est des gens responsabl­es. »

Pas de fouille à l’entrée

Mais vers 8 h, soit une heure avant l’ouverture au public du Salon, une foule compacte et décidée se dirige vers la porte A. Le président de la République Emmanuel Macron est arrivé et les grilles ne résistent pas longtemps aux manifestan­ts. Plusieurs centaines d’agriculteu­rs, dont certains portent aussi le bonnet jaune de la Coordinati­on rurale, s’engouffren­t dans l’enceinte du parc des exposition­s. Il n’y a pas de fouille, encore moins de contrôle de billets, mais beaucoup de confusion.

« Le badge d’entrée, cette année, c’est ton tee-shirt FNSEA ! » plaisante un visiteur, tandis que, bientôt, des agriculteu­rs escaladent la grille. Un peu plus loin, des familles avec poussette, inquiètes ou amusées, regardent la scène.

Beaucoup ne pourront rejoindre le Salon que vers 11 h. À 16 € l’entrée pour la journée, ce « manque à gagner » de deux heures agace. « On est partis à 5 h du Pas- de- Calais. Je viens de prendre ma retraite : jusqu’ici, c’était compliqué de venir car j’étais seul sur ma ferme avec mes vaches, alors j’aimerais bien profiter de ma journée », témoigne Gilles Dufresne, qui touche 908 € pour sa retraite d’éleveur.

Venues du Tarn et de Bretagne, un groupe de copines, béret prune sur la tête, prennent la situation avec philosophi­e : « Sans cette attente, on

n’aurait pas pu discuter avec Didier, de L’amour est dans le pré, qu’on vient de croiser ! »

« C’est triste d’en arriver là »

Dans la file, il y a des exposants inquiets de ne pas pouvoir rejoindre leur stand, des journalist­es, des prestatair­es un peu perdus. « Je suis agent de sécurité, comment je fais pour rentrer ? » demande l’un d’eux à… un autre agent de sécurité de Paris- expo.

« Ce retard et cette ambiance, en vingt ans de Salon, je n’ai jamais vu ça. C’est vraiment triste d’en arriver là », estime Jacques Doudet, secrétaire général du Comité régional des pêches de Bretagne. Alors que les visiteurs patientent, pour beaucoup les yeux rivés sur leur smartphone où défilent les vidéos des heurts entre agriculteu­rs et forces de l’ordre, un son de biniou s’élève, mais il a du mal à réchauffer l’ambiance.

Clameur dans la foule vers 10 h 30 : les portes s’ouvrent. « C’est abusé : on a attendu trois heures, souffle Victoire, venue de l’Allier. Maintenant, on va essayer d’en profiter. »

 ?? | PHOTO : MATHIEU PATTIER, OUEST FRANCE ?? L’ouverture du Salon, porte de Versailles, à Paris, était tout sauf apaisée, hier matin.
| PHOTO : MATHIEU PATTIER, OUEST FRANCE L’ouverture du Salon, porte de Versailles, à Paris, était tout sauf apaisée, hier matin.

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