Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Agnès-Pannier Runacher : « Simplifier
Elle n’imaginait pas un accueil aussi tumultueux au Salon de l’agriculture. Agnès-Pannier Runacher, ministre déléguée en charge de l’Agriculture, plaide pour une relance de la part du bio dans les cantines. Entretien.
Imaginiez-vous un accueil aussi tumultueux au Salon ?
L’accueil a été rugueux. Ce n’était une surprise pour personne. Le président de la République a démontré qu’il ne fuyait pas ses responsabilités en assumant d’aller au contact des agriculteurs. Les discussions ont été franches et directes.
Quelles leçons en tirez-vous ? D’abord que le dialogue est essentiel. Le débat a montré que le plan de sortie de crise répond à des attentes importantes des agriculteurs avec des mesures d’ores et déjà en place qui ne sont pas toujours connues. Il a aussi mis en évidence le chemin important qui reste à faire. C’est par l’écoute que nous construirons ensemble et au plus près du terrain les réponses les plus adaptées pour simplifier tout ce qui pèse aujourd’hui sur les agriculteurs. Cette crise permet aussi de se poser les bonnes questions face au dérèglement climatique et à l’effondrement de la biodiversité. Aucun agriculteur ne conteste la nécessité de cette transition, mais ils réclament légitimement de ne pas être mis dans des impasses sans solutions.
Quitte à brouiller le message sur les pesticides ?
L’objectif de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires de 50 % d’ici 2030 est maintenu. Mais nous avons eu tendance à trop réglementer le vivant par arrêté. Ça ne marche pas. Que signifie un arrêté qui fixe les dates de traitement sans savoir quelle sera la météo ? Nous voulons protéger la biodiversité, les insectes pollinisateurs sans lesquels les agriculteurs ne peuvent pas produire mais il faut le faire en prenant en compte les réalités du terrain. Par ailleurs, le budget du ministère de l’Écologie augmente de 8 milliards d’euros cette année. Nous consacrons 1,3 milliard d’euros à la transition agroécologique.
Le nouvel indicateur retenu pour les phytosanitaires est celui qui inquiète les autorités allemandes. Allez-vous en tenir compte ?
Nous avons décidé de retenir un indicateur européen plutôt que l’indicateur français qui ne tenait pas compte du niveau de risque des produits utilisés. Sur ce sujet, nous assumons de travailler en Européens. Nous sommes prêts à améliorer cet indicateur dès lors qu’il est partagé en Europe. Plus largement, nous ne devons pas mettre nos agriculteurs dans des impasses. C’est la raison pour laquelle nous mettons sur la table 250 millions d’euros dès cette année pour trouver des alternatives aux phytosanitaires utilisés.
« 50 000 km de haies en plus d’ici à 2030 pour le climat »
Simplifier, était-ce si nécessaire ? Est- ce la meilleure façon de protéger les haies et la biodiversité que d’avoir quatorze régimes différents ? Aujourd’hui, nous parvenons tout juste à les maintenir. Et encore, pas toujours. Nous devons créer 50 000 km de haies supplémentaires d’ici à 2030 pour tenir nos objectifs climatiques et énergétiques. Par ailleurs, en quoi est- ce qu’avoir des procédures longues pour autoriser des installations classées permet de mieux protéger l’environnement ? Les préfets ont organisé plus de trois cents rencontres avec les agriculteurs pour répondre aux questions remontant du terrain. Sur l’eau par exemple, faisons aboutir vite les projets qui permettront à l’agriculture d’être plus résiliente.
Produire de l’alimentation ou de l’énergie, il faudra choisir ?
La priorité c’est de nourrir les hommes et les animaux, et de préserver notre puits de carbone. La production énergétique vient seulement après. C’est ce qui est affirmé dans la loi sur les énergies renouvelables que j’ai portée l’an dernier. Il ne doit pas y avoir de concurrence entre alimentation et énergie. Préservons notre souveraineté alimentaire. On a vu avec l’industrie ce qu’il en coûte de céder sur de tels enjeux. Nous avons besoin d’un cadre normatif stable pour encadrer toutes ces pratiques et surtout de rendre ces modèles économiquement viables.
Les agriculteurs peuvent-ils dégager de nouvelles sources de revenus avec l’énergie ?
C’est là aussi qu’il faut être intransigeant sur les règles du jeu. L’énergie peut être un complément de revenu stable et complémentaire. Mais il ne faut pas que ça soit un prétexte pour que le prix du foncier flambe. Il faut qu’il y ait partage raisonné et raisonnable des revenus.
Pourquoi l’objectif de 50 % de produits bio et de signes de qualité
peine-t-il à être atteint ?
C’est une de nos priorités avec Marc Fesneau. Nous organiserons au mois de mars une Conférence des solutions avec le Conseil national de la restauration collective. Les élus locaux ont dit qu’ils voulaient soutenir les agriculteurs. Ils disposent avec les cantines d’un levier très important. Si les objectifs sont tenus, la filière bio sera sauvée. Je ne peux pas accepter qu’il y ait autant d’agriculteurs qui abandonnent le bio. Recréons une dynamique positive !
« Appliquer la loi et sanctionner les tricheurs »
Comment peut-on mieux encadrer la loi Egalim et les négociations commerciales ?
Il faut commencer par appliquer la loi et sanctionner les tricheurs. Les acteurs nous disent aussi qu’on peut faire mieux. Nous sommes disposés à y travailler. Le Premier ministre l’a annoncé : nous lançons une mission parlementaire pour dégager des pistes d’amélioration.