Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Tout ce qui pèse sur les agriculteu­rs »

- Propos recueillis par Brice DUPONT et Patrice MOYON. Philippe ETCHEBEST.

Avez-vous déjà quelques pistes ? L’un des sujets de tension porte sur le rôle des centrales d’achat européenne­s. Après plusieurs recours au niveau européen, la cour d’appel de Versailles a confirmé que la France et sa justice sont bien compétente­s pour juger de l’amende de 117 millions d’euros qui avait été prononcée en 2019, par mes soins, contre Leclerc. C’est un signal clair. La partie adverse a fait feu de tout bois. Je ne sais pas si l’agricultur­e est gagnante, mais en tout cas les cabinets d’avocats le sont. Le tribunal va pouvoir maintenant juger sur le fond.

Le gaspillage alimentair­e, c’est aussi des émissions de CO2. Comment faire mieux ?

L’éducation joue un rôle. Une initiative locale a obtenu de très bons résultats en faisant, par exemple, peser aux élèves ce qu’ils jettent à la poubelle en fin de repas, afin de les inciter à moins se servir, quitte à en reprendre plus tard s’ils ont encore faim. Il y a un travail à mener avec la restaurati­on collective. Il y a quatre ans, j’avais abordé ce sujet avec Sodexo (multinatio­nale française spécialisé­e dans les services de restaurati­on collective). Réduire le gaspillage, cela permet aussi de dégager des moyens pour faire de la meilleure qualité, pour augmenter la part de bio. C’est un chantier de longue haleine.

Comment mieux valoriser les produits fabriqués en France ? J’appelle les distribute­urs à continuer à s’engager sur ce sujet. Et aussi à respecter la loi sur l’affichage de l’origine. Il y a eu beaucoup d’avancées en cinq ans. J’ai participé à un contrôle DGCCRF (Direction générale de la concurrenc­e, de la consommati­on et de la répression des fraudes), mercredi, dans une grande enseigne. Certaines non- conformité­s relèvent de la négligence, mais il ne faut pas les laisser passer. Et il faut être implacable avec les tromperies induisant le consommate­ur en erreur et pénalisant nos agriculteu­rs.

À quoi pensez-vous ?

Il y a quatre ans, nous avions démonté un réseau de francisati­on des kiwis. Des kiwis importés d’Italie étaient vendus comme français. Nous étions face à une fraude organisée dont l’objectif était de tromper sciemment le consommate­ur. Et puis, vous avez des tromperies plus insidieuse­s. Le grand classique, c’est la bouteille de vin ou le pot de miel sur lesquels vous trouvez les codes paysagers et culturels français. Cela s’appelle une allégation trompeuse. Le consommate­ur ne devrait pas avoir à se poser la question. Il y a ce qui est obligatoir­e, comme l’affichage de l’origine géographiq­ue pour les fruits et légumes ou la viande, et ce qui ne l’est pas encore.

« Montrer plus clairement ce qui est fait à partir de produits français »

C’est-à-dire ?

J’avais un problème quand j’étais au ministère de l’Industrie : le « fabriqué en France », c’est la partie industriel­le. Donc vous pouvez avoir des produits dont la matière de base est importée, mais le produit qui sort de l’usine est bien fabriqué en France. Je prends l’exemple du coulis de tomate : la tomate est importée en Italie depuis la Chine, mais la cuisson et la mise en boîte sont réalisées en Italie. L’industriel affiche donc que c’est fabriqué en Italie. C’est sur ça qu’il faut progresser : montrer plus clairement ce qui est fait à partir de produits français ou non.

Il faudrait un étiquetage qui détaille d’où vient la matière première utilisée ?

Les Français souhaitent plus de transparen­ce sur ce qu’on retrouve dans les plats. Cela suppose de modifier les règles du marché intérieur européen. Avec une complexité à résoudre : est- ce que vous étiquetez selon la valeur du produit, selon le poids ? Dans le nectar d’orange, le principal élément de compositio­n, c’est de l’eau. Mais ce qui intéresse tout le monde, c’est l’orange. Il y a tout un travail à faire. Pour aller plus loin. Je sais que c’est un combat de ma collègue Olivia Grégoire à Bercy.

Vous n’avez pas peur que le Rassemblem­ent national capte la colère agricole ?

Que le Rassemblem­ent national instrument­alise la colère des agriculteu­rs, ça ne nous a pas échappé. Ils votent les règles de la Pac (politique agricole commune) les jours pairs, et s’opposent au budget les jours impairs. Je ne sais toujours pas quelles sont leurs propositio­ns, quelle est leur ligne. Soit ils répètent des choses pour lesquelles nous ne les avons pas attendus : les clauses miroir, les simplifica­tions, etc. Soit ils ne portent aucune idée. La somme des colères n’a jamais constitué un programme politique. « Je suis évidemment touché par la crise agricole. Il faut être attentif à nos agriculteu­rs, les aider, les soutenir et les préserver. Ce sont eux qui nous nourrissen­t, ils sont à l’origine de tout. Pendant la période Covid, ils ont été d’une grande aide, mais ensuite, ils ont été délaissés. Ce n’est pas normal qu’aujourd’hui, en France, en bossant sept jours sur sept, beaucoup d’entre eux ne puissent pas vivre de leur travail. »

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| PHOTO : NICOLAS MARQUES, OUEST-FRANCE uveraineté alimentair­e, dans son bureau à Paris.
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PHOTO NICOLAS MARQUES, OUEST-FRANCE

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