Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
« L’Europe peut être la championne des PME »
À l’approche des européennes, le Mouvement des entreprises de France (Medef) fait entendre sa voix. Sa principale revendication : arrêter la spirale infernale des normes et des réglementations.
Entretien
Fabrice Le Saché, vice-président du Medef en charge des affaires européennes
Votre tour de France avant les élections européennes a fait étape à Rennes. En quoi a consisté votre visite ?
On est dans un travail de recensement, de réflexion sur les propositions, sur ce qu’on peut amener, comment on peut contribuer au débat public. L’idée est d’apporter des idées nouvelles, qui font avancer l’Europe, nos entreprises et notre pays. C’est une consultation indispensable pour alimenter notre plateforme de propositions qui sera dévoilée en avril prochain. Ce sera aussi le socle des auditions qu’on a prévu le 18 avril 2024 avec les têtes de liste des différents partis pour les élections européennes. Ce sera un moment de débat démocratique.
Comment envisagez-vous les élections européennes ?
Ces élections européennes sont l’occasion d’un point de cristallisation qui nous oblige aussi au Medef, en interne, à redéfinir notre doctrine et clarifier nos orientations sur certains sujets. On doit faire un travail de remise à jour.
Qu’entendez-vous par remise à jour ?
Il y a une forte accélération sur les sujets environnementaux avec notamment la question de la décarbonation, une accélération de la transition démographique, de la recomposition géopolitique mondiale, de l’intelligence artificielle… Face à tout cela, il y a le risque d’un décrochage de l’Europe. Il faut absolument qu’on reprenne la main pour remettre de la vitesse dans les décisions à l’échelle européenne. L’une des priorités est de décider vite et d’avoir une capacité d’exécution qui soit rapide.
Pour cela, il faut simplifier. C’est ce qui est souvent reproché à l’institution européenne.
On a dénombré 5 000 pages de réglementations de plus entre 2017 et 2022 et 850 nouvelles obligations. Le problème, c’est qu’on transforme les entreprises en agents administratifs, de conformité, etc. Tout cela est long, compliqué et coûteux. Donc il y a un ras-le-bol.
Il faut aller plus vite sur quoi ?
Pour délivrer des autorisations de permis pour des usines, pour des subventions d’état quand il y en a. Il faut retrouver de la vitesse dans la prise de décision. On doit être beaucoup plus concret et pragmatique plutôt que bureaucratique. Cette dérive technocratique pèse énormément et entraîne des ruptures. Tout va beaucoup plus vite chez nos compétiteurs et concurrents. Il y a quinze ans, le PIB par habitant européen était au même niveau que les ÉtatsUnis. Aujourd’hui, il est deux fois plus élevé aux États- Unis. Si on n’accélère pas, on est à la traîne. Les cycles d’innovation sont beaucoup plus rapides. Aller plus vite, c’est aussi dégager des marges pour innover.
Vous militez aussi pour une Union des marchés de capitaux. Pourquoi ?
Elle est aujourd’hui essentielle. Cela fait longtemps qu’on en parle, ce serait un bel axe de travail de le faire vraiment advenir. Beaucoup d’entreprises ont du mal à se financer au- delà d’un certain seuil en Europe, notamment les entreprises innovantes. On voit aussi un mouvement d’épargne de l’Europe vers les ÉtatsUnis et vers d’autres marchés. Il faut que l’épargne européenne puisse être utilisée par des instruments de l’industrie financière européenne, que ce soit les banques, les assureurs ou les sociétés de gestion. Sur le marché intérieur, le marché des capitaux est un beau sujet à mettre sur la table.
Chez nos concurrents il y a des géants mondiaux, chez nous, il y a plutôt des PME. L’inégalité ne commence-t-elle pas là ?
Les petites et moyennes entreprises, les PME, ne sont pas du tout une faiblesse mais plutôt une force. Si on met le paquet, l’Europe peut être le champion mondial des PME.
Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a revu ses prévisions de croissance à la baisse. Faut-il s’en satisfaire ou s’en inquiéter ?
Nous avions dit que 1,4 % de croissance cette année était irréaliste au regard de la situation économique, des tensions internationales, etc. Mais tous les secteurs ne sont pas touchés de la même manière. Certains, comme l’aéronautique par exemple, se portent très bien. D’autres, directement liés à la crise du logement, pour citer un autre exemple, sont au bord du précipice. On est dans un contexte assez imprévisible
qui ne contribue pas forcément à la sérénité.
Il y a un discours ambiant qui dit que sans l’Europe ce serait mieux. Qu’en pensez-vous ?
Il y a des acquis avec l’Europe dont on doit se réjouir. On voit bien d’ailleurs toutes les complexités qu’a entraînées le Brexit. Il y a des choses positives. Le plan NextGen pour faire face à la crise sanitaire et économique où les eurobonds montrent que l’Europe réussit aussi à transformer des urgences en actions et heureusement d’ailleurs. Mais encore une fois, la question, ce n’est pas tant ce qu’on fait de positif et qu’on peut reconnaître aisément, c’est cette rupture de vitesse avec d’autres blocs qui impose un rythme nouveau. Il nous faut vite trouver ce rythme.