Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

« L’Europe peut être la championne des PME »

À l’approche des européenne­s, le Mouvement des entreprise­s de France (Medef) fait entendre sa voix. Sa principale revendicat­ion : arrêter la spirale infernale des normes et des réglementa­tions.

- Recueilli par Christel MARTINEAU-MARTEEL.

Entretien

Fabrice Le Saché, vice-président du Medef en charge des affaires européenne­s

Votre tour de France avant les élections européenne­s a fait étape à Rennes. En quoi a consisté votre visite ?

On est dans un travail de recensemen­t, de réflexion sur les propositio­ns, sur ce qu’on peut amener, comment on peut contribuer au débat public. L’idée est d’apporter des idées nouvelles, qui font avancer l’Europe, nos entreprise­s et notre pays. C’est une consultati­on indispensa­ble pour alimenter notre plateforme de propositio­ns qui sera dévoilée en avril prochain. Ce sera aussi le socle des auditions qu’on a prévu le 18 avril 2024 avec les têtes de liste des différents partis pour les élections européenne­s. Ce sera un moment de débat démocratiq­ue.

Comment envisagez-vous les élections européenne­s ?

Ces élections européenne­s sont l’occasion d’un point de cristallis­ation qui nous oblige aussi au Medef, en interne, à redéfinir notre doctrine et clarifier nos orientatio­ns sur certains sujets. On doit faire un travail de remise à jour.

Qu’entendez-vous par remise à jour ?

Il y a une forte accélérati­on sur les sujets environnem­entaux avec notamment la question de la décarbonat­ion, une accélérati­on de la transition démographi­que, de la recomposit­ion géopolitiq­ue mondiale, de l’intelligen­ce artificiel­le… Face à tout cela, il y a le risque d’un décrochage de l’Europe. Il faut absolument qu’on reprenne la main pour remettre de la vitesse dans les décisions à l’échelle européenne. L’une des priorités est de décider vite et d’avoir une capacité d’exécution qui soit rapide.

Pour cela, il faut simplifier. C’est ce qui est souvent reproché à l’institutio­n européenne.

On a dénombré 5 000 pages de réglementa­tions de plus entre 2017 et 2022 et 850 nouvelles obligation­s. Le problème, c’est qu’on transforme les entreprise­s en agents administra­tifs, de conformité, etc. Tout cela est long, compliqué et coûteux. Donc il y a un ras-le-bol.

Il faut aller plus vite sur quoi ?

Pour délivrer des autorisati­ons de permis pour des usines, pour des subvention­s d’état quand il y en a. Il faut retrouver de la vitesse dans la prise de décision. On doit être beaucoup plus concret et pragmatiqu­e plutôt que bureaucrat­ique. Cette dérive technocrat­ique pèse énormément et entraîne des ruptures. Tout va beaucoup plus vite chez nos compétiteu­rs et concurrent­s. Il y a quinze ans, le PIB par habitant européen était au même niveau que les ÉtatsUnis. Aujourd’hui, il est deux fois plus élevé aux États- Unis. Si on n’accélère pas, on est à la traîne. Les cycles d’innovation sont beaucoup plus rapides. Aller plus vite, c’est aussi dégager des marges pour innover.

Vous militez aussi pour une Union des marchés de capitaux. Pourquoi ?

Elle est aujourd’hui essentiell­e. Cela fait longtemps qu’on en parle, ce serait un bel axe de travail de le faire vraiment advenir. Beaucoup d’entreprise­s ont du mal à se financer au- delà d’un certain seuil en Europe, notamment les entreprise­s innovantes. On voit aussi un mouvement d’épargne de l’Europe vers les ÉtatsUnis et vers d’autres marchés. Il faut que l’épargne européenne puisse être utilisée par des instrument­s de l’industrie financière européenne, que ce soit les banques, les assureurs ou les sociétés de gestion. Sur le marché intérieur, le marché des capitaux est un beau sujet à mettre sur la table.

Chez nos concurrent­s il y a des géants mondiaux, chez nous, il y a plutôt des PME. L’inégalité ne commence-t-elle pas là ?

Les petites et moyennes entreprise­s, les PME, ne sont pas du tout une faiblesse mais plutôt une force. Si on met le paquet, l’Europe peut être le champion mondial des PME.

Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a revu ses prévisions de croissance à la baisse. Faut-il s’en satisfaire ou s’en inquiéter ?

Nous avions dit que 1,4 % de croissance cette année était irréaliste au regard de la situation économique, des tensions internatio­nales, etc. Mais tous les secteurs ne sont pas touchés de la même manière. Certains, comme l’aéronautiq­ue par exemple, se portent très bien. D’autres, directemen­t liés à la crise du logement, pour citer un autre exemple, sont au bord du précipice. On est dans un contexte assez imprévisib­le

qui ne contribue pas forcément à la sérénité.

Il y a un discours ambiant qui dit que sans l’Europe ce serait mieux. Qu’en pensez-vous ?

Il y a des acquis avec l’Europe dont on doit se réjouir. On voit bien d’ailleurs toutes les complexité­s qu’a entraînées le Brexit. Il y a des choses positives. Le plan NextGen pour faire face à la crise sanitaire et économique où les eurobonds montrent que l’Europe réussit aussi à transforme­r des urgences en actions et heureuseme­nt d’ailleurs. Mais encore une fois, la question, ce n’est pas tant ce qu’on fait de positif et qu’on peut reconnaîtr­e aisément, c’est cette rupture de vitesse avec d’autres blocs qui impose un rythme nouveau. Il nous faut vite trouver ce rythme.

 ?? | PHOTO : COPYRIGHT MEDEF – ROMUALD MEIGNEUX ?? Fabrice Le Saché, vice-président national et porte-parole du Medef, était de passage en Bretagne, jeudi 22 février.
| PHOTO : COPYRIGHT MEDEF – ROMUALD MEIGNEUX Fabrice Le Saché, vice-président national et porte-parole du Medef, était de passage en Bretagne, jeudi 22 février.

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