Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
La pomme, fruit incontournable de la
Sucrée ou acidulée, la pomme est le fruit le plus consommé en France, devant la banane et l’orange. La Normandie reste la première région productrice.
En dehors de son utilisation pour produire du cidre, du calvados et du pommeau — ces breuvages identitaires du Grand Ouest — la pomme était jadis très consommée à l’état brut, crue ou cuite. Les variétés locales se comptaient par centaines… Si beaucoup d’entre elles ont disparu, d’autres ont pu être sauvées par des amateurs passionnés et dans les vergers conservatoires mis en place depuis quelques décennies. Ces pommes « à couteau » rustiques reviennent au goût du jour : c’est par exemple le cas, en Bretagne, de la reinette d’Armorique et de la chailleux.
Verger de la France
En Normandie, la pomme est bien plus qu’un fruit. C’est un des emblèmes majeurs de la région : cet élément du patrimoine culinaire et culturel local a façonné les paysages et, au- delà, l’identité normande. En 1889, un auteur étranger à la région signale un mets qu’il qualifie « d’original » : la Normandie, écrit-il, « raffole de la salade de hareng aux pommes ». Il précise également qu’une grande partie de la récolte normande de pommes de table est exportée vers l’Angleterre. Aujourd’hui, celle- ci ne représente plus que 1 % de la production annuelle française de pommes de table.
Les anciennes variétés normandes étaient souvent spécifiques d’un « pays » : vallée de la Seine, pays d’Auge, pays de Bray, Roumois, Cotentin, etc. Une des variétés les plus connues est le bénédictin, encore appelé reinette normande. Elle est produite en pays d’Auge ainsi que dans la vallée de la Seine où son origine est revendiquée par le village abritant les ruines de l’abbaye bénédictine de Jumièges. Dans le pays d’Auge, la calville rouge (ou sanguinole en raison de sa chair rouge) est également très présente. Cette pomme était déjà cultivée au XVIIe siècle (elle portait alors le nom de calville du roi).
Producteurs amateurs
Même si elles sont encore cultivées par de nombreux amateurs, beaucoup d’autres variétés normandes sont peu commercialisées de nos jours. Parmi elles figurent la grasse lande (dont le berceau se situe dans le nord du Cotentin, autour de Valogne), la pomme d’éclat (probablement originaire du pays de Caux, elle est appréciée en marmelade et en compote), la reinette de Bailleul ou Bailleul gros hôpital, la cimetière de Blangy, la fréquin rouge, la reinette de Caux (dont la gelée accompagnait traditionnellement la viande et le boudin noir) ou encore la pomme de Rever. Cette dernière correspond à la « Rouget de Dol », une variété qui fut importée vers 1810 dans le Marais Vernier par l’abbé Rever, un érudit passionné de sciences naturelles, originaire de Dol- de-Bretagne. La Rever est aujourd’hui recherchée pour la cuisson au four. À la fin du XIXe siècle, les confiseurs normands utilisaient certaines variétés particulières comme la calville blanche pour fabriquer le célèbre sucre de pomme de Rouen et la gelée de pommes.
En 2020, les Pays de la Loire se situaient au quatrième rang français pour les pommes à couteau (16 % de la production nationale). La pomme reinette du Mans est une variété très ancienne — elle existait déjà au XVIIe siècle — qui se caractérise par sa récolte tardive (fin octobre). Dans un ouvrage de la Société nationale d’horticulture de France publié en 1928, on peut lire : « cette variété, que l’on cultive beaucoup dans la Sarthe, est très recherchée sur le marché, notamment à Paris où elle fait l’objet, à l’arrière- saison, d’un important commerce rendu avantageux par la facile conservation du fruit. » La reinette du Mans se consomme tout au long de l’hiver sous la forme de desserts et de tartes.