Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Petite histoire d’un « fruit défendu »
La pomme est originaire des montagnes du Kazakhstan, en Asie centrale. Elle a trouvé en Normandie un climat et des sols particulièrement favorables. Mais d’autres « explications » à cette implantation réussie ont été formulées.
La « pomme de discorde »
Au XVIIIe siècle, l’auteur normand Bernardin de Saint- Pierre rapporte ainsi la légende suivante… La superbe déesse Aphrodite arpentait les rivages de Normandie à la recherche de perles et de coquillages pour sa parure. Pour avoir les mains libres, elle posa sur un rocher sa pomme d’or (la fameuse « pomme de discorde » gagnée lors d’un concours de beauté qui l’avait opposée à d’autres déesses grecques). Distraite, Aphrodite oublia le fruit qui fut dérobé et porté à Thétis. Celle- ci « en sema les pépins dans les campagnes voisines. […] Voilà la cause du grand nombre de pommiers qui croissent [en Normandie] et de la beauté singulière de [ses] filles. »
La poire en embuscade
Dans la réalité, de nombreuses régions de la Gaule étaient autrefois couvertes de pommiers. Mais les « invasions barbares » qui suivirent la
chute de l’Empire romain anéantirent les vergers. En 911, le roi de France offrit des terres aux « hommes du Nord » (les Vikings) pour qu’ils cessent leurs razzias dévastatrices. Dans le duché de Normandie nouvellement créé, la noblesse et le clergé
encouragèrent la replantation de pommiers. Dans les monastères, les pommes n’étaient pas seulement mangées : elles étaient écrasées puis étalées sur les plaies pour accélérer la cicatrisation. De là vient notre « pommade ».
Puis la poire se mit à concurrencer la pomme. Au XVIe siècle, les aristocrates normands la préféraient à cette dernière dont la chair dure exigeait une mastication bruyante, peu distinguée. La pomme se trouva reléguée au rang de fruit grossier, tout juste bon à calmer la faim des miséreux. Mais à la fin du XIXe siècle, l’engouement des Français pour les tartes aux fruits participa à la réhabiliter sur les tables bourgeoises de Normandie.
Une erreur de traduction
La pomme est le fruit par excellence : le mot vient du latin pomum qui, précisément, signifie « fruit » (la pomologie, avec un seul « m », est la science des fruits). Les mythologies antiques en ont fait un aliment ambivalent, à la fois maléfique et bénéfique. Adam et Ève, on le sait, furent chassés du Paradis terrestre pour avoir croqué le fruit défendu. Pourtant, dans le texte de la Genèse, il n’est nulle part question de pomme ! L’explication pourrait provenir d’une erreur de traduction commise au début de la chrétienté… Yahvé avait interdit au premier couple de l’humanité de manger du fruit « de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ». Or, en latin, mal se dit malum, un mot qui signifiait également « pomme » !