Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Philippe Etchebest livre la recette de sa carrière
Cuisine/Télévision. Trois de nos lecteurs ont rencontré le chef doublement étoilé, de retour dès le 13 mars sur M6 pour la nouvelle saison de Top Chef. L’occasion de parler cuisine.
Fonds de sauce, cuisson à l’étouffée, traditions étrangères, saisonnalité des aliments… Ce mardi, au siège du journal, les échanges sont légers et gourmands entre Philippe Etchebest et trois de nos lecteurs.
Léa Evezard, alternante en relations presse dans le milieu agricole et alimentaire, Anne- Lise Calloch, enseignante d’allemand habituée à cuisiner en famille, et André Hunault, boucher à la retraite, ont été invités à rencontrer le chef, juré de l’émission Top Chef depuis neuf ans. La discussion, ponctuée par des éclats de rire, va bon train.
« Quand vous avez commencé la cuisine, vous attendiez-vous à une telle carrière ? » s’interroge Léa. « Loin de là, reconnaît Philippe Etchebest. Je n’ai jamais eu de projet à long terme sur ce que j’allais faire. »
Avant la cuisine, le rugby
De son propre aveu, la cuisine n’était pas son premier choix. Son père a beau être restaurateur, adolescent, Philippe Etchebest se projette plutôt dans une formation sport étude rugby. « Le sport, c’est bien, mais c’est volatil. Surtout le rugby, qui, il y a quelques années encore, n’était pas professionnalisant. La voix de la raison m’a donc fait choisir l’école hôtelière. »
À l’époque, il ne se voit pas devenir un jour Meilleur ouvrier de France (en 2000), ni obtenir deux étoiles au Guide Michelin. Ce qu’il imagine encore moins, c’est de devoir apprendre à vivre avec la notoriété. « Elle a des conséquences, développe- t- il. Le regard des gens est très différent et peut être faussé. Il y a plein d’endroits où je ne peux pas aller. Donc je prends des habitudes : choisir des endroits discrets, m’asseoir dos à la salle au restaurant, porter toujours ma casquette, marcher tête baissée dans la rue… »
Curieux et empathiques, l’enseignante, le retraité et l’étudiante découvrent l’envers du décor de la carrière de ce chef qui s’exprime en toute franchise. « Donc ça vous fait du bien de voyager ? » s’enquiert
Anne- Lise. « Oui, quand je pars en Antarctique voir les phoques et les baleines, je suis tranquille. Ce sont ces destinations que je privilégie naturellement, parce qu’il n y a personne. »
Aujourd’hui, ce gérant de deux restaurants à Bordeaux profite de sa notoriété pour transmettre aux professionnels et futurs professionnels. Un rôle qui lui tient à coeur et qu’il exerce dans ses établissements
ou grâce à des émissions sur M6, comme Top Chef ou Objectif Top Chef.
« Je préviens souvent les jeunes qui sortent de Top Chef de faire attention, précise- t- il. On peut vite être embringué dans un tourbillon, mais ça ne dure qu’un temps. Il faut qu’ils profitent de la médiatisation, qu’ils s’en servent intelligemment. Certains ne l’ont pas bien gérée. »
Il n’y a pas qu’aux professionnels que ce travailleur acharné et engagé tient à s’adresser. « On n’apprend pas aux gens à cuisiner en regardant Top Chef. Parce que les recettes qui sont faites, personne ne peut les refaire. »
Pour transmettre son savoir- faire au plus grand nombre, Philippe Etchebest publie régulièrement des vidéos sur sa chaîne YouTube, qui rassemble 1,5 million d’abonnés. « J’ai regardé vos recettes de lasagnes et de flan, dimanche, avec mes enfants, indique Anne- Lise. C’était très simple et rapide à faire. »
Bien ranger son frigo, avoir le bon matériel sans en avoir trop, travailler la saisonnalité et les produits frais, privilégier le local… Sur YouTube mais aussi dans son livre, Cuisinez bien accompagné (éditions Albin Michel), le chef conseille, détaille ses méthodes de travail.
« On est garants de cette tradition »
André, inquiet de voir certains cuisiniers oublier le savoir-faire de la cuisine française traditionnelle, se rassure face à un Philippe Etchebest qui partage son avis. « C’est pour cela qu’on est un peu les garants de cette tradition, renchérit le chef. Face à ceux qui font de l’industriel, il y a ceux qui cuisinent chez eux, qui travaillent les produits bruts et qui transmettent leurs techniques aux jeunes. »
« Ne pas gaspiller aussi, ça fait partie de l’apprentissage du métier », ajoute- t- il. « Rien ne se perd, tout se transforme ! » rebondit Léa, reprenant l’une des revendications majeures du chef.
Avant de se quitter et après avoir parlé cuisines italienne et indienne (le chef devrait prochainement se rendre en Inde), les lecteurs ont une dernière question. Après autant d’accomplissements, Philippe Etchebest a- t-il encore des rêves ? « Des rêves, je ne sais pas s’il m’en reste, confesse- t- il à 57 ans. Mais il y a encore des choses à faire, des projets. Avec Dominique, mon épouse, on se plaît toujours à progresser. »