Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

En lutte contre le cancer du sein triple négatif

La Journée mondiale de ces cancers difficiles à traiter se tient aujourd’hui. Le Pr Bidard, coordinate­ur d’un programme de recherches innovantes à l’Institut Curie, décrypte les pistes.

- Philippe RICHARD.

« L’immunothér­apie a vraiment changé les choses », reconnaît le Pr François- Clément Bidard. Utilisée en première intention contre les cancers du sein triple négatif depuis seulement quelques années, elle permet de guérir 80 % des femmes touchées par ce groupe de cancers agressifs et difficiles à traiter. Triple négatif signifie que les tumeurs ne présentent pas trois types de récepteurs, communémen­t utilisés comme cibles par les traitement­s. « On a 20 % de récidives avec métastases, et la maladie est alors pour l’instant incurable. C’est plus que les autres cancers, mais on part de loin. »

Quand traiter une récidive ?

À l’Institut Curie, le plus grand centre européen de recherche et de traitement sur le cancer du sein, le médecin coordonne notamment le programme de recherche prioritair­e Cassiopeia, dédié aux approches innovantes de lutte contre ces cancers.

Deux nouvelles études, sur le point d’être lancées, illustrent ces nouvelles pistes. « Skyline va associer deux immunothér­apies, avec des cibles différente­s. On pense que cela sera plus efficace sur certains cancers triple négatif. Pour expliquer le traitement aux patientes, je leur dis qu’il essaie d’enlever la cape d’invisibili­té

des cellules cancéreuse­s (et leur permet d’échapper à la vigilance du système immunitair­e, NDLR). Le terme fait très Harry Potter mais c’est assez juste. »

Une autre étude, Cupcake, a pour but d’évaluer l’intérêt de traiter précocemen­t une rechute avec métasta

ses. Il y a vingt ans, des études avaient conclu qu’il n’y avait pas forcément de bénéfice. « Mais on n’avait pas les mêmes outils et les mêmes thérapies », souligne le médecin. Les signes de rechute seront scrutés par analyse de l’ADN circulant (on recherche l’ADN de la tumeur dans une prise de sang) et par une nouvelle méthode d’imagerie. « L’agence du médicament américaine a récemment autorisé le remboursem­ent de ces analyses. Pour envisager un remboursem­ent en France, il faut que nous puissions monter qu’il y a un bénéfice médical. »

Au plus près de la tumeur

Une troisième étude, tout juste lancée (mais hors du programme Cassiopeia), évalue un nouveau traitement emmené jusqu’à la tumeur par un anticorps. « Cette stratégie des anticorps combinés, qui apportent des chimiothér­apies, et demain des radiothéra­pies au plus près de la cellule cancéreuse, est une des grandes tendances de la recherche. »

Le fantasme d’un médicament miracle unique contre le cancer ou même un type de cancer est une utopie, les chercheurs le savent. « Beaucoup de nos recherches visent à tenter de prédire la réponse de la tumeur à un traitement », résume le Pr Bidard. Il ne suffit pas de tester. La recherche fondamenta­le, qui fouille les secrets des mécanismes complexes du cancer, est tout aussi essentiell­e.

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Le « triple négatif », un cancer plus rare mais agressif.

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