Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Salon de l’agriculture : le rôle des politiques en jeu
Son directeur, Arnaud Lemoine, revient sur cet événement « éprouvant », sur fond de crise. À l’heure du bilan, il annonce vouloir repenser l’accueil des politiques pour les prochaines éditions.
Le Salon s’est ouvert sur la visite d’Emmanuel Macron dans un chaos inédit, donnant le ton d’une semaine rythmée par les tensions. Quel était le climat sur place ?
Le premier samedi a marqué tout le monde, moi le premier. Habituellement c’est une fête et, là, on a vu se multiplier jour après jour des manifestations, des revendications, certes légitimes mais qui ont pesé sur le climat de l’évènement. Même si on avait anticipé les tensions, personne n’avait imaginé ces neuf jours de cette façon-là. C’est pour ça que je qualifierais ce salon d’éprouvant mais aussi d’instructif.
C’est-à-dire ?
Je pense que nous allons réfléchir dans les semaines à venir sur l’accueil des politiques. Cette année, on dénombre 83 visites d’élus. En comparaison, ils étaient 52 en 2022. Attention, je ne suis pas en train de dire qu’on ne veut pas qu’ils viennent. Mais on va tirer des leçons, repenser l’organisation et changer des choses pour que la vie du Salon ne soit pas qu’une vie politique.
La venue du président s’est accompagnée d’une kyrielle d’annonces :
réflexions sur des prix planchers, plan de trésorerie d’urgence… Comment ont-elles été reçues ? Les attentes du monde agricole sont très fortes parce que le problème est très ancien. C’est trente ans de soucis qu’il faudrait résoudre en trois mois. Des mesures économiques doivent être apportées, évidemment, mais il ne faut pas oublier l’aspect sociétal. Je vois dans les yeux des paysans un besoin de reconnaissance. Ils veulent
avant tout être compris, qu’on les respecte, qu’on les aime.
Justement, le Salon ambitionne de faire découvrir au public le monde de la terre. A-t-il, malgré tout, réussi ? Les visiteurs sont contents, les 1 100 exposants ont été chagrinés par le contexte mais ont fait le job. Vous savez, je suis ébahi du nombre d’adolescents qui viennent et ne font pas le lien entre une vache et le lait, entre le blé et le pain. Quand il y a un tel bug de connaissances, le rôle du Salon est majeur, même politique, parce que c’est une forme d’éducation nationale à l’agriculture.
Les visiteurs ont-ils été refroidis par les tensions ?
Le premier jour a été très mauvais mais, sinon, on est sur une fréquentation plus ou moins similaire à l’année dernière (615 000 visiteurs au total), donc un haut niveau. Quoi qu’il arrive, ça reste le premier salon français, les gens avaient envie de se parler.
La 60e édition du Salon se termine, quel est le grand enjeu à retenir ? Le renouvellement des générations. Sans agriculteurs, il n’y a pas d’agriculture. En 2001, il y avait 971 000 exploitations en France, aujourd’hui, moins de 360 000. Les gens n’y pensent pas parce que les rayons sont toujours pleins. Mais il faut des fantassins pour défendre la souveraineté alimentaire française ! Quand une ferme met la clef sous la porte, ça passe inaperçu. On n’en a pas l’impression mais en réalité c’est un immense plan social qui est à l’oeuvre depuis des années. Un morceau essentiel de la chaîne alimentaire qui s’effondre.