Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Télésecrétariats : menaces, pressions… « Tout était violent »
Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) publiée le 26 octobre 2022, le recours à un secrétariat téléphonique externalisé est une pratique plus répandue chez les jeunes médecins : il concerne 51 % des moins de 50 ans.
Charlotte (prénom d’emprunt) a travaillé quatre ans pour l’une de ces plateformes à distance, sa première expérience. « Le téléphone sonnait tout le temps. La plateforme multipliait les contrats. Des médecins, des kinés, des ostéopathes, des podologues, des sages-femmes, des praticiens qui externalisaient de 17 h à 20 h à la fermeture de leurs propres secrétariats. On avait leurs agendas. On prenait messages et rendezvous. J’avais entre soixante et quatre-vingts phrases d’accueil à retenir en fonction de quelle ligne sonnait. »
Les petites diodes rouges clignotaient dans tous les sens sur le cadran de son téléphone. Tout était compté (le nombre de sonneries avant de décrocher), décompté (le temps d’attente), enregistré (les conversations), écouté (par la hiérarchie en cas de mauvais retours). « Et le manageur pouvait nous convoquer. » Un patient ne trouvait pas l’un des cabinets ? « Je lui indiquais un bureau de
tabac ou un immeuble rouge. On apprenait ça par coeur parce qu’on n’y était jamais allé. S’il ne trouvait pas, on n’y pouvait plus rien. »
Elle raconte le stress amplifié par le bruit, le moindre retard ou arrêt maladie, une ambiance de travail rance, la peur de l’erreur. « Tout était violent. Certains patients pour qui je n’avais pas de créneau me disaient : Je vais te retrouver, on va tout brûler. Ou alors : Ta collègue d’hier, on va la tuer. » Elle est partie. Et espère que ça a changé depuis.
« Les plus fragiles sont ceux qui subissent en premier les défaillances des systèmes qu’ils ou elles servent au quotidien. Ici, les secrétaires médicales, ailleurs, les professeurs. « Imbéciles », « crétines », on peut ainsi légitimement qualifier toutes ces violences. Pourtant, c’est nous qui votons pour les responsables de cette dégradation terrifiante du tissu social. »