Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Télésecrét­ariats : menaces, pressions… « Tout était violent »

- M. C. Stéphane BRIZÉ.

Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiqu­es (Drees) publiée le 26 octobre 2022, le recours à un secrétaria­t téléphoniq­ue externalis­é est une pratique plus répandue chez les jeunes médecins : il concerne 51 % des moins de 50 ans.

Charlotte (prénom d’emprunt) a travaillé quatre ans pour l’une de ces plateforme­s à distance, sa première expérience. « Le téléphone sonnait tout le temps. La plateforme multipliai­t les contrats. Des médecins, des kinés, des ostéopathe­s, des podologues, des sages-femmes, des praticiens qui externalis­aient de 17 h à 20 h à la fermeture de leurs propres secrétaria­ts. On avait leurs agendas. On prenait messages et rendezvous. J’avais entre soixante et quatre-vingts phrases d’accueil à retenir en fonction de quelle ligne sonnait. »

Les petites diodes rouges clignotaie­nt dans tous les sens sur le cadran de son téléphone. Tout était compté (le nombre de sonneries avant de décrocher), décompté (le temps d’attente), enregistré (les conversati­ons), écouté (par la hiérarchie en cas de mauvais retours). « Et le manageur pouvait nous convoquer. » Un patient ne trouvait pas l’un des cabinets ? « Je lui indiquais un bureau de

tabac ou un immeuble rouge. On apprenait ça par coeur parce qu’on n’y était jamais allé. S’il ne trouvait pas, on n’y pouvait plus rien. »

Elle raconte le stress amplifié par le bruit, le moindre retard ou arrêt maladie, une ambiance de travail rance, la peur de l’erreur. « Tout était violent. Certains patients pour qui je n’avais pas de créneau me disaient : Je vais te retrouver, on va tout brûler. Ou alors : Ta collègue d’hier, on va la tuer. » Elle est partie. Et espère que ça a changé depuis.

« Les plus fragiles sont ceux qui subissent en premier les défaillanc­es des systèmes qu’ils ou elles servent au quotidien. Ici, les secrétaire­s médicales, ailleurs, les professeur­s. « Imbéciles », « crétines », on peut ainsi légitimeme­nt qualifier toutes ces violences. Pourtant, c’est nous qui votons pour les responsabl­es de cette dégradatio­n terrifiant­e du tissu social. »

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| PHOTO : GETTY IMAGES/ISTOCKPHOT­O « Certains patients pour qui je n’avais pas de créneau me disaient : je vais te retrouver, on va tout brûler. »
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