Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
La lente ascension en politique des femmesduMené
Le moment d’histoire. En 1944, les Françaises obtiennent le droit de vote et l’accès aux fonctions électives. Dans le Mené, la féminisation des assemblées a été plus lente que dans le reste du pays.
Alors que la Journée internationale du droit des femmes sera célébrée dans quelques jours, vendredi 8 mars, remontons le temps jusqu’en 1944, année où les citoyennes françaises ont enfin obtenu le droit de voter et d’être élues, grâce à une ordonnance du Comité français de la Libération nationale, signée par le général de Gaulle.
Dans la région du Mené, la féminisation des assemblées a été plus lente que dans le reste de la France, comme le soulignent Jean- Pascal Guillouet et Yveline Simard, dans un dossier publié en juin 2023 dans le second numéro des Cahiers du pays du Mené, porté par l’association Sauvegarde du patrimoine culturel du Mené.
Des élections municipales en 1945
Dans ce territoire rural, réputé conservateur et englobant 26 communes, l’auteur insiste sur le rôle déterminant de Marie Le Gac- Salonne, femme de notaire à Plancoët et présidente du groupe de l’Union pour le suffrage des femmes, qui militera dès 1912 en se déplaçant « de commune en commune pour dire aux femmes de prendre leur place en politique », résume Jean-Pascal Guillouet.
Mais alors que le premier vote incluant des femmes a lieu le 29 avril 1945 pour des élections municipales, l’événement est rapidement éclipsé par la reddition allemande, le 8 mai.
Quelle place dans les conseils municipaux ?
En 1945, sur les 374 sièges de conseillers municipaux du Mené, elles ne sont que neuf femmes à être élues (soit 2,4 % des sièges) dans six communes, pour la plupart historiquement ancrées à gauche : Collinée, Le Gouray, Merdrignac, Illifaut, Moncontour et Plémet.
« Cela relève surtout du symbole démocratique : la plupart d’entre elles sont élues “au mérite”, pour
leurs actions dans la Résistance, par exemple », précise Jean-Pascal Guillouet.
Avec le retour des prisonniers, de nouvelles élections sont organisées en 1947. « On assiste alors à une régression : les femmes retrouvent leur place au foyer et aucun nouveau conseil n’est féminisé en 1947, ni en 1953. »
Il faudra attendre les élections de 1977 pour voir six nouvelles communes (Langourla, Saint- Goueno, SaintGilles, Laurenan, Saint- Launeuc et Plénée- Jugon) intégrer des femmes dans leurs conseils. Et même 1989 pour que les communes de Gomené, Mérillac, Saint-Vran et Trébry élisent une femme pour la première fois.
Plessala, commune pionnière
À l’inverse, la commune de Plessala se distingue dès 1959 avec la nomi
nation de Louise Rio au poste de première adjointe du maire, Jean Darcel. « Elle s’était illustrée par son action auprès des femmes de prisonniers de guerre », précise l’auteur.
En 1965, Jean Darcel, également médecin de campagne, se retire pour se consacrer à ses patients. « Les conseillers, essentiellement agriculteurs, se tournent alors vers sa femme, Simone Darcel. »
Cette enseignante laïque, « femme d’action, à l’autorité naturelle », devient une des 4 231 femmes élues maires cette année-là en France et qui représentent à peine plus de 1 % des édiles.
En 2023, 73 femmes maires dans le département
Simone Darcel reconduit Louise Rio à son poste de première adjointe. « C’était audacieux, ce duo féminin
qui pilote une commune. » Une « audace » que saluera le président François Mitterrand en se déplaçant à Plessala, en 1985.
Dans son sillage, Francine Martin sera élue maire, en 1977, à Plémy, puis Monique Haméon, en 1985, au Gouray et Jeanne Horpin, en 1995, à Trémorel.
En 2023, on comptait 245 maires hommes dans les 348 communes des Côtes- d’Armor, pour seulement 73 maires femmes. « Les lois sur la parité des années 2000 ont fait avancer les choses, mais il reste encore du chemin à faire… », estime l’auteur.
Pour preuve : la moitié des 26 communes historiques du Mené n’ont encore jamais élu de femme à la fonction de maire.