Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Guillaume Canet et Stéphane Brizé, duo hors du temps

Cinéma. L’acteur et le réalisateu­r sont venus rencontrer trois de nos abonnés à l’occasion de la sortie prochaine de Hors-saison. Un film intemporel sur les choses de la vie.

- Philippe LEMOINE.

L’émotion est palpable. Quand il se présente, Joël Malle, 54 ans, de Javené en Ille- et-Vilaine, a le souffle court et la voix hésitante. « Je suis agriculteu­r en cours de reconversi­on. J’ai connu une période difficile… » Et se tournant vers Guillaume Canet : « Le film Au nom de la terre dans lequel vous avez joué m’a beaucoup marqué. » L’acteur n’est pas surpris. « Quand je vous ai serré la main tout à l’heure, j’ai tout de suite su que vous étiez paysan. »

Comme Joël, Orane Guéneau, 51 ans, photorepor­ter à Rennes, et Hélène Trevaux, 42 ans, qui travaille au musée des Beaux-Arts de Quimper, sont venues à la rencontre de Stéphane Brizé et de Guillaume Canet pour parler du film Horssaison, en salles le 20 mars. Un film sur la maturité, la force des sentiments et les crises existentie­lles, bercé par le ressac des vagues.

« Un besoin d’évasion ? »

« Qu’est- ce qui vous a poussé à tourner sur la côte sauvage de Quiberon ? Un besoin d’évasion ? » questionne Hélène Trevaux. « J’ai découvert Quiberon il y a sept ans, en venant présenter un film au cinéma Paradis, dirigé avec passion par Laurence Forin, raconte Stéphane Brizé. Le lieu m’a tout de suite plu. J’y suis retourné plusieurs fois. C’était pour moi autant de repérages. Je suis capable de faire un film parce que j’ai des images en tête. Pour celui- là, j’en avais trois : une station balnéaire hors saison avec des rues vides, un piano qui joue tout seul et les retrouvail­les d’un homme et d’une femme. »

Après des films assez brutaux (La loi du marché, En guerre, Un autre monde), le réalisateu­r originaire de Rennes avait aussi besoin de « reprendre son souffle ». De réfléchir au temps qui passe, à ses conséquenc­es. « La mer et les plages désertes rajoutent de la mélancolie », estime aussi Joël Mall.

Un amour des lieux partagé par Guillaume Canet. « Je connais bien la région. J’ai fait mes premiers pas

sur la plage du Pouliguen, je vis depuis dix- huit ans avec une Bretonne (Marion Cotillard) et j’ai tourné à Belle- Île mon film Lui. »

Tous ont été marqués par le personnage de Lucette, une pensionnai­re d’une maison de retraite qui se livre sur sa vie intime. « Qui estelle ? Pourquoi avoir choisi cette séquence ? » s’interroge Orane Guéneau. « C’est une clé de voûte du

film, assure Stéphane Brizé. Son message d’humanité va achever de transforme­r Mathieu, le personnage joué par Guillaume. »

Alors, parlons- en de ce Mathieu. Un acteur connu qui, après avoir assez lâchement abandonné un projet théâtral, part se réfugier dans une thalasso en Bretagne. Sur place, il va retrouver une femme, Alice, qu’il a aimée et quittée quinze ans plus tôt.

« Ce personnage m’a beaucoup ému, confie Guillaume Canet. C’est un homme qui voulait absolument devenir connu et qui finalement va devenir quelqu’un. Il va finir par accepter ses doutes et ses faiblesses. Il se pose des questions sur lui, son couple. Il se demande s’il ne s’est pas égaré. Ce sont des questions que l’on peut tous se poser. »

Dans une époque où tout s’accélère, nos abonnés ont noté le rythme assez lent du film et apprécié les moments de silence. « Je cherche à construire des espaces vacants dans le film, dans lesquels chaque spectateur va pouvoir transposer sa propre histoire », explique Stéphane Brizé.

« Être en phase avec les autres »

« C’est un film utile pour ça, renchérit Guillaume Canet. Nous vivons dans un monde où l’on veut aller immédiatem­ent à l’essentiel. On y perd l’essence et la poésie des choses. »

C’est aussi un film qui interroge notre capacité à être en phase avec les autres. « Mon personnage ne s’est pas rendu compte de la femme qu’était Alice quand il l’a connue quinze ans plus tôt, poursuit Guillaume Canet. Aujourd’hui, avec sa peine, ses doutes, il voit enfin qui elle est. Cela m’est arrivé dans ma vie. Je suis passé à côté de conseils que l’on a pu me donner, de gens proches, parce qu’à ce moment-là, je n’étais pas en état de les entendre. »

Une confession qui fait écho dans les esprits de tous, autour de la table. « Cela me fait penser à une citation d’Anaïs Nin, se rappelle Orane Guéneau. Les choses ne sont pas telles que nous les voyons, mais telles que nous sommes. J’y ai pensé tout le long du film. »

Une citation qui fait mouche chez notre duo acteur et réalisateu­r. « Je crois que je vais la ressortir dans une prochaine interview », s’amuse Stéphane Brizé. Chiche !

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| PHOTO : VINCENT MICHEL, OUEST-FRANCE Stéphane Brizé et Guillaume Canet en compagnie d’Orane Guéneau, Joël Malle et Hélène Trevaux.

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