Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

La stratégie d’Anatomie d’une chute pour l’Oscar

La cérémonie des Oscars se déroulera cette nuit à Los Angeles. Le film français, réalisé avec un budget modeste, est nommé dans cinq catégories. Comment a-t-il su séduire les Américains ?

- Camille DESCROIX.

La 96e cérémonie des Oscars a lieu cette nuit au Dolby, à Hollywood. Anatomie d’une chute, le thriller judiciaire de Justine Triet, réalisé avec un budget de 6,2 millions d’euros, est nommé dans cinq catégories (contre près de 92 millions d’euros pour Oppenheime­r ou Barbie, également en lice). Il part favori pour l’Oscar du meilleur scénario original mais sa campagne de promotion ingénieuse pourrait lui permettre de convoiter d’autres statuettes.

« C’est un film internatio­nal et universel », analyse Elsa Keslassy, rédactrice en cheffe internatio­nale de Variety, magazine américain consacré à l’industrie du cinéma. « C’est une oeuvre très moderne dans les sujets qu’elle traite : la place de la femme, son rapport au travail et à la maternité, les relations entre les hommes et les femmes. Ce sont des thématique­s qui sont au coeur de notre société et qui touchent le monde entier », précise- t- elle.

Les codes du cinéma américain

Pour preuve, le long-métrage de la réalisatri­ce française a déjà été récompensé une bonne vingtaine de fois : Palme d’Or à Cannes, trois Lumière, six César, deux Golden Globes, un Bafta… De quoi donner le tournis. Et son genre, le film de procès, très populaire outre-Atlantique, n’y est pas pour rien. « Justine Triet adore le cinéma américain et a bien su manier ses codes », ajoute la rédactrice en chef de Variety.

Pour faire partie de la prestigieu­se liste des nommés aux Oscars, pas de recette miracle mais une stratégie, bien rodée, menée par le distribute­ur américain Neon, le même qui a

accompagné le film sud- coréen Parasite dans sa course à l’Oscar du meilleur film en 2020.

« Neon a orchestré la campagne de manière habile : il a fait voyager le film à tous les festivals, Justine Triet était dans des avions toutes les semaines, partout dans le monde. Elle a passé du temps avec la presse, fait des interviews télévisées… » détaille Elsa Keslassy.

Un élément essentiel quand on sait que les médias américains jouent un rôle clé auprès des quelque 10 000 votants de l’Académie des Oscars. « Ça a permis au film de sor

tir du lot », explique la journalist­e.

Un membre du casting a fait particuliè­rement sensation aux ÉtatsUnis : le chien Messi, alias Snoop, qui guide Daniel, l’enfant malvoyant du film. Ce border collie, devenu la nouvelle coqueluche d’Hollywood lors du gala des nommés aux Oscars, le 12 février, bénéficie d’une forte popularité auprès du public américain. « C’est l’atout charme du film », abonde la journalist­e de Variety.

Elle souligne le profil internatio­nal de l’actrice principale Sandra Hüller, qui joue également dans le dernier film de Jonathan Glazer, La Zone

d’intérêt (lui aussi nommé cinq fois aux Oscars). Et relève les « 40 % du film en anglais », qui le rendent plus accessible aux Américains qu’un film intégralem­ent en français.

Ces arguments ont aussi contribué à rendre Anatomie d’une chute « oscarisabl­e », analyse Elsa Keslassy. La spécialist­e prédit « l’Oscar du meilleur scénario original, et peutêtre éventuelle­ment celui de la meilleure réalisatio­n pour Justine Triet ». Mais « c’est une année où la concurrenc­e est rude », nuance-telle…

 ?? | PHOTO : ROBYN BECK, AFP ?? La réalisatri­ce française Justine Triet a remporté les Golden Globes du meilleur film en langue étrangère et du meilleur scénario pour « Anatomie d’une chute », le 7 janvier à Beverly Hills.
| PHOTO : ROBYN BECK, AFP La réalisatri­ce française Justine Triet a remporté les Golden Globes du meilleur film en langue étrangère et du meilleur scénario pour « Anatomie d’une chute », le 7 janvier à Beverly Hills.

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