Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Louise, son héroïne, a vécu dans son manoir

Maurice de Kervénoaël avait une bonne raison de raconter la vie trépidante de Louise du Bot du Grégo. Il habite le manoir que l’héroïne de son dernier livre occupait il y a deux siècles.

- Rencontre Didier GOURIN.

« Là-bas, c’est la chapelle où Louise s’est mariée. La fenêtre au milieu, c’était sa chambre. Et le général Hoche entrait par cette porte. » On ferme un peu les yeux et on se retrouve plus de deux siècles en arrière. Lorsqu’il fait le tour de son joli manoir du Vau de Quip à Allaire (Morbihan), Maurice de Kervénoaël ne peut passer sous silence Louise du Bot du Grégo, propriétai­re des lieux, bien avant lui, en pleine Révolution française. Et si on a l’impression que l’imposante bâtisse n’a pas changé depuis, c’est qu’elle a été finement restaurée en respectant sa lointaine histoire, au prix de travaux d’Hercule.

En achetant le manoir, cet ancien dirigeant de grandes entreprise­s n’avait jamais entendu parler de Louise, dont il ne reste, il est vrai, pas grand- chose, pas même un tableau. Sauf que la mémoire locale ne l’a pas vraiment oubliée. Un jour, c’est un vieux paysan du coin qui évoque, devant lui, en termes cinglants, les relations que la jeune aristocrat­e entretenai­t avec le général Hoche, puissant militaire du camp républicai­n, l’ennemi, en principe.

Plus tard, c’est un enseignant, passionné par l’histoire locale, qui lui confirme que le souvenir de Louise ne s’est pas évaporé. Il y a de quoi titiller la curiosité de l’auteur d’une quinzaine de romans historique­s qui a entrepris, après sa vie dans le monde des affaires, une seconde existence en écrivant des livres.

Un tourbillon d’aventures sous la Révolution

Plus il cherche, plus il trouve que Louise mérite ce roman, La maîtresse du Général (l’Archipel). Après tout, il a son héroïne sous le même toit, même si c’était il y a bien longtemps. Elle a laissé une trace. « Il y a une présence », sourit Maurice de Kervénoaël. Et surtout, il y a cette vie trépidante d’une jeune noble, héritière de l’une des plus puissantes familles bretonnes, qui traverse la

Révolution dans un tourbillon d’aventures. Elle est d’abord mariée à un vicomte, sans qu’on lui demande vraiment son avis, comme le voulait l’usage. Il choisira de mener le combat de la chouanneri­e contre la jeune République. Mais déjà, Louise se démarque. Elle n’est pas hostile aux idées nouvelles de l’époque et comprend bien que la noblesse ne peut plus vivre arc- boutée sur des privilèges d’un autre temps.

Pour autant, elle s’inquiète de la violence que peut déclencher la Révolution. Et puis, elle entreprend cette relation passionnée avec le puissant général Hoche, fer de lance des troupes républicai­nes. De fil en aiguille, il lui demande des renseignem­ents sur le camp royaliste que Louise continue de fréquenter. Son nom reste un sésame pour ouvrir les portes des châteaux. Cela s’appelle aussi de l’espionnage, mais la jeune femme est convaincue que l’Ancien Régime a vécu et espère qu’une monarchie constituti­onnelle verra le jour.

Louise n’a guère de scrupules puisqu’elle fait la même chose pour le camp d’en face lorsque des royalistes lui demandent de sonder un peu son général pour savoir ce qu’il mijote. Elle joue avec le feu en fréquentan­t quelques-uns des grands chefs de la chouanneri­e. Elle saura aussi se montrer intraitabl­e pour conserver ses propriétés, comme son si cher Vau de Quip.

« C’est une héroïne formidable »

Seulement, les historiens qui ont pu se pencher sur son cas ont surtout retenu, et la mémoire populaire avec eux, ces trahisons qu’elle pratique néanmoins avec mesure pour ne jamais se faire trop remarquer. Louise a vécu dangereuse­ment tout en veillant à ne pas dépasser les limites de toutes ses manigances.

« Mon livre est un peu une réhabilita­tion », concède l’auteur qui souligne toutes les qualités à ses yeux de cette femme hors du commun : « Elle est intelligen­te, moderne, belle et séduisante. C’est une héroïne formidable. »

Il s’est appuyé sur une trame historique solide pour marcher dans les pas de Louise. Avec elle, il raconte cette période si troublée de la Révolution où il n’y a pas d’un côté les bons et de l’autre les méchants. Tout est plus nuancé lorsque l’on voit des nobles soucieux d’une société plus égalitaire, comme Louise. Ou des républicai­ns, comme Hoche, qui souhaitent vraiment en finir avec la guerre civile et négocier avec les royalistes. « Dans ces périodes si troublées de l’Histoire, ce n’est jamais noir ou blanc », poursuit l’écrivain. Louise ne l’aurait pas démenti.

La maîtresse du Général, L’Archipel, 367 pages, 22 €. E-Book 15,99 €.

 ?? | PHOTO : MATHIEU PATTIER, OUEST-FRANCE ?? Maurice de Kervénoaël devant le manoir du Vau de Quip à Allaire (Morbihan) qui fut celui de l’héroïne de son dernier livre.
| PHOTO : MATHIEU PATTIER, OUEST-FRANCE Maurice de Kervénoaël devant le manoir du Vau de Quip à Allaire (Morbihan) qui fut celui de l’héroïne de son dernier livre.

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