Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Le destin de Jean-Mathurin Rescourio raconté
Le moment d’histoire. Dans son livre, l’historien Patrick- Charles Renaud souhaite mettre en avant le destin de Jean-Mathurin Rescourio, Centre-Breton, tué à Diên Biên Phu durant la Guerre d’Indochine.
« C’est bien aussi, pour M. Rescourio. » Il y a vingt ans, Patrick- Charles Renaud publiait Aviateurs en Indochine, récompensé par le prix RaymondPoincaré. Alors que les 70 ans de la chute de Diên Biên Phu (Viêt Nam) seront célébrés cette année, l’écrivain et historien basé en Meurthe- et-Moselle s’apprête à rééditer cet ouvrage, en l’agrémentant « de quelques points obscurs », notamment l’histoire de Jean-Mathurin Rescourio.
Ce jeune homme, né à PlounévezQuintin, le 9 novembre 1934 et qui a vécu à Saint-Nicolas- du-Pélem, dans le Centre- Bretagne, a combattu durant la Guerre d’Indochine. Appartenant à la 5e compagnie de ravitaillement par air, il est décédé à l’âge de 19 ans, veille de la chute de Diên Biên Phu. L’appareil, dans lequel il se trouvait, ayant été touché par l’artillerie antiaérienne viêt-min. « Il était dispatcheur, précise l’historien. C’est-à- dire que son rôle consistait à larguer, depuis un avion, le ravitaillement destiné au camp retranché de Diên Biên Phu. Lorsqu’il a été tué, poursuit l’auteur, il venait de participer à une mission à bord d’un avion américain volant sous cocardes françaises, piloté par deux Américains de la Civil Air Transport. Il faut savoir qu’à l’époque, l’intervention de pilotes américains sur Diên Biên Phu était confidentielle… »
Savoir « pourquoi il est parti là-bas »
Après s’être penché sur les aviateurs, Patrick- Charles Renaud souhaite donc mettre en avant « le destin des dispatcheurs et leur rendre hommage, car on les a totalement oubliés. » En plus de Jean-Mathurin Rescourio, il travaille aussi sur l’histoire de René Bataille, caporal- chef, né à Nantes et tué dans le même avion que le Breton. Mais ce qui interpelle l’historien dans le destin du caporal pélémois : « c’est son jeune âge, qui laisse à penser qu’il était depuis peu de temps en Indochine. Je ne suis même pas certain que sa famille ait su ce qu’il en a été. »
Sa famille, Patrick- Charles Renaud en recherche des membres ou toutes personnes qui l’auraient connu pour savoir qui était ce jeune homme. « C’est toujours intéressant de savoir pourquoi il est parti là-bas. » L’historien est allé toquer du côté des anciens combattants des Côtesd’Armor, auprès de l’amicale des parachutistes, des archives départementales aussi : « Ils ne savent rien. »
De ce combattant centre-breton, il n’y a qu’une petite plaque de marbre noir à côté de l’église de Saint- Nicolas- du- Pélem. La mairie de cette commune lui a transmis l’acte de naissance, sur lequel on lit que son père, Emmanuel, était minotier, né en 1906 et décédé en 1967 et que sa mère, Marcelle, née Le Corps en 1912 à Lanester est décédée en 1998 à Ploemeur, dans son Morbihan natal. L’écrivain s’est aussi procuré la transcription de l’acte de décès du jeune soldat. « Il est indiqué, en 1966, qu’il est décédé à Diên Biên
Phu. Or l’avion a continué une centaine de kilomètres et s’est écrasé au Laos. Il doit encore être enterré dans une tombe anonyme certainement. » Les restes du squelette de Mac Govern, l’un des deux pilotes américains de l’avion abattu, ont été découverts dans une tombe anonyme au Laos en 2002 et identifié quatre ans plus tard. « J’imagine que les autres [corps] ne sont pas loin… »
Reconnu Mort pour la France en 2012
Ce que cherche à comprendre aussi Patrick- Charles Renaud, c’est cette inscription figurant sur l’acte de décès. « La mention « Mort pour la France » lui a été accordée en 2012, près de soixante ans après ! » Est- ce parce qu’il se trouvait à bord d’un avion américain quand il a été tué ? Est- ce parce que son corps n’a toujours pas été retrouvé soixantedix ans après ? Là aussi, le mystère demeure. « J’ai l’impression d’en
savoir plus que les organismes officiels, c’est assez surprenant. »
Alors l’enquêteur lance un appel vers ceux qui ont connu ce jeune soldat Rescourio ou des proches. « La famille sait peut- être des choses que je ne sais pas. Ou alors c’est moi qui vais leur en apprendre… Peut- être qu’ils ont conservé des lettres, des photos… » Ce qui permettrait de mettre un visage sur le nom de Jean-Mathurin Rescourio.
« Peut- être que quelqu’un va se manifester », espère l’auteur. Il ne collectera peut- être pas à temps ces éléments pour la réédition de son ouvrage, à paraître au printemps. Et quand bien même : « C’est bien aussi, pour M. Rescourio, de raviver sa mémoire. »
Contact : les.renaud@ orange.fr