Face à l’urgence climatique, ils se radicalisent

Qui sont les militants qualifiés d’écoterroristes ? Rencontre avec Julie, ingénieure militante, Julien Le Guet, défenseur du marais poitevin, et Thomas Brail, mobilisé contre l’A69.

Entretien

Lucas Gregorio, coréalisateur, avec Alexandre Spalaïkovitch, d’Urgence climatique : quand la jeunesse se radicalise (Enquête exclusive).

Pourquoi cette enquête ?

Nous avons voulu savoir qui sont ces militants que le ministre de l’Intérieur a qualifiés d’écoterroristes. La France a été condamnée deux fois pour inaction climatique. L’Onu juge excessive la répression des militants écologistes en France, Allemagne, Espagne, Italie. Les mobilisations écologistes s’appuient sur les rapports d’ONG, mais aussi du Giec, du Conseil de protection de la nature, de l’Autorité environnementale ou de France Stratégie. Selon une étude de la revue The Lancet en 2021, trois jeunes sur quatre jugent l’avenir effrayant.

Qui sont les trois militants que vous suivez plus longuement ?

Julie est une ingénieure tourangelle de 27 ans qui a démissionné pour se consacrer au militantisme écologique, notamment au sein de Dernière Rénovation. Thomas Brail était en grève de la faim, ce qui a suspendu pendant quelques jours la construction de l’autoroute A69 Castres-Toulouse. Et Julien Le Guet, batelier du Marais poitevin, une zone humide

reconnue d’importance internationale, est le fondateur de Bassines non merci ! Après les manifestations de Sainte- Soline (Deux- Sèvres), il a été condamné, en janvier, à un an de prison avec sursis. Son père, lui, a découvert une caméra de surveillance policière devant sa maison.

La répression s’intensifie-t-elle ?

En un an et une quinzaine d’actions, Julie a subi une centaine d’heures de garde à vue. Lorsqu’elle occupe la chaussée un quart d’heure devant l’Assemblée nationale ou s’enchaîne

au siège du parti Renaissance, elle passe trente heures en garde à vue. On lui a aussi interdit de se rendre à Paris durant six mois. En 2023, plus de cinquante militants écologistes ont été condamnés. Deux mille militants écologistes sont fichés « S », selon les services de renseignement.

Quels rapports ces collectifs ont-ils avec les black blocks ?

Ils se retrouvent parfois sur le même terrain de contestation. Mais je n’ai pas enquêté sur les black blocks. Contrairement à la majorité des militants écologistes, qui sont nonviolents, les black blocks revendiquent la destruction de matériels et l’affrontement avec les forces de l’ordre.

Y a-t-il une proximité entre collectifs européens ?

Les collectifs écologistes font souvent partie de réseaux européens et leurs membres sont majoritairement âgés de 20 à 30 ans. Extinction Rébellion est né au Royaume- Uni. Dernière Rénovation fait partie du réseau A22, présent au Royaume-Uni (Just Stop Oil) et en Allemagne (Letze Generation). Nous avons suivi un jeune Français lors d’une action du collectif Code rouge, à l’aéroport de Liège (Belgique) en décembre 2023, visant Alibaba, géant du e- commerce chinois et fret aérien.

Comment fonctionne la nouvelle cellule anti-Zad (Zone à défendre) ? Créée en septembre 2023 au ministère de l’Intérieur, la cellule juridique anti-Zad vise à stopper une occupation dans les 48 heures. Au- delà, la législation se complique. Il s’agit d’éviter un nouveau « Notre-Damedes-Landes ».

M6, 23 h 10.

| PHOTO : CAPTURE D’ÉCRAN M6 Des militants de Dernière Rénovation bloquent la circulation pour alerter sur les « passoires thermiques », sur le pont de la Concorde, à Paris.