Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Les Balkans s’effeuillent en dix villes
Dans l’ouvrage collectif Balkans, dix auteurs, écrivains, architectes, géographes et journalistes nous content l’histoire, grande et petite, d’une ville qui leur tient à coeur.
Ici tout est permis. De leurs pérégrinations dans les Balkans, dix auteurs francophones livrent un récit très personnel de leurs villes de coeur. C’est toute l’originalité de cette collection « Odyssée, villes- portraits », où s’entrecroisent les plumes d’artistes, de journalistes, d’universitaires et de géographes. Depuis Vienne, l’Autrichienne « aux accents de Yougoslavie », à Bihac, terre tiraillée de BosnieHerzégovine. Un livre tour à tour carnet de voyage, journal intime, récit historique… Déboussolant ravissement ponctué par les croquis du dessinateur-paysagiste Julien Rodriguez.
Du barbier à la pâte feuilletée
On y croise le barbier de Laurent Geslin, correspondant pour OuestFrance, envoûté par Skopje, la capitale macédonienne où il « revient sans cesse » comme on se love « dans un vieux jogging ». Qui mieux que son barbier Mendo, donc, pour nous confier l’humeur des Balkans ? « L’Union européenne aurait dû intégrer la Yougoslavie quand il en était encore temps, car à l’époque, nous vivions bien », tranche l’homme au rasoir.
Les Balkans se dépeuplent. Même l’attractive capitale croate Zagreb, « n’échappe pas à la saignée démographique qui, faute de perspectives, frappe la région dans son ensemble », s’émeut l’écrivaine et traductrice Chloé Billon.
Et partout, le fantôme de l’ex-Yougoslavie, disloquée en 1990, hante
les mémoires. De Mostar (Bosnie Herzégovine), avoue l’anthropologue Aline Cateux, « je ne connaissais que la destruction du vieux pont » [par les forces croates en 1993], la ville semblant « réduite à ce symbole ». Son récit prouve le contraire. Mostar se savoure « au- delà de ses divisions politiques ».
Comme la Serbe Novi Pazar : JeanArnault Dérens, lui aussi correspon
dant pour Ouest- France, y relate l’afflux « des réfugiés de toutes les guerres de la fin du siècle dernier ». Bosniaques, Albanais, Serbes et Roms du Kosovo… Ici, « chacun sait pouvoir trouver assez de compatriotes et de coreligionnaires pour se sentir en sécurité, pour être bien accueilli ». Ne reste plus, alors, qu’à s’attabler : Novi Pazar se niche « au bout d’un immense arc de civilisation qui chevauche toute l’Eurasie, l’arc du yogourt et de la pâte feuilletée ». Dans Balkans, la région se dévoile aussi rude que savoureuse.
Balkans, ouvrage collectif sous la direction de Jean-Arnault Dérens et Benoît Goffin, ed. ENS de Lyon, janvier 2024, 22 €, 158 pages.