Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Ils étaient forcés de jouer les amants en ligne
Contraints d’arnaquer les internautes, 875 employés d’une fausse société de jeux ont été libérés par la police philippine.
Sur son corps, des cicatrices et des traces de torture par électrocution… Ce trentenaire vietnamien pensait avoir décroché un poste de chef dans une compagnie de jeux en ligne, à Bamban, au nord de Manille (Philippines), en janvier. Il a déchanté dès son arrivée sur le site de dix hectares.
Plus question d’en sortir… jusqu’à ce qu’il parvienne à s’échapper. Alertés, les policiers ont découvert lors d’un raid, jeudi, l’enfer vécu par cet homme et 875 autres « employés forcés ». Parmi eux, des Chinois, des Philippins, des Vietnamiens, un Rwandais…
Tous s’étaient vu confisquer leur passeport à leur embauche, relate le chef de la lutte contre le crime organisé, Gilberto Cruz, sur la chaîne CNA. Quant aux jeux en ligne… Le job promis n’était qu’une arnaque, consistant à les muer en escrocs : à charge pour eux de jouer les amants en ligne, pour extorquer un maximum d’argent à leurs victimes, le plus souvent des Chinois à qui ils faisaient miroiter de juteux investissements.
Et pas question de rechigner. Les récalcitrants étaient frappés, privés de nourriture et de sommeil.
Huit suspects ont été arrêtés et inculpés pour traite d’êtres humains. Sur place, plusieurs armes ont aussi été saisies. La police philippine, qui
dit constater une prolifération de sociétés spécialisées dans les arnaques en ligne en tous genres (blanchiment, détournement de cryptomonnaie, duperie amoureuse, etc.), avait déjà libéré 3 300 personnes l’an dernier, sur deux autres sites.
Beaucoup de victimes de ces arnaques ne se signalent pas, déplore Grace Yuen, de l’ONG Global AntiScam (Ga- So). Depuis sa création, mi-2021, cette organisation a recueilli les témoignages de près de 2 000 internautes escroqués, à eux seuls, de plus de 285 millions d’euros.