Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Aide à domicile : « Notre métier, c’est l’humain »

570 000 personnes exercent cette profession, en majorité des femmes. Une journée nationale leur est consacrée ce dimanche. L’occasion de mettre en lumière leurs conditions de travail difficiles.

- Témoignage Jacques SAYAGH.

« La reconnaiss­ance, ça doit être 365 jours par an… » Anne Lauseig, 53 ans, est assistante de vie à Bordeaux, depuis sept ans. Elle considère avec une certaine bienveilla­nce la deuxième journée nationale des aides à domicile, instaurée par l’État, ce dimanche. « Ce jour-là, on nous regarde un peu plus. »

Crucial pour une profession qui lutte contre l’invisibili­té, alors qu’elle compte 570 000 salariés. C’est aussi pour cette raison qu’Anne Lauseig a créé en 2020 le collectif La force invisible des aides à domicile (1), qui regroupe 7 300 membres sur Facebook. « La force, c’est parce qu’on est 95 % de femmes dans cette profession, détaille- t- elle, avec une pointe d’accent du Sud. Invisible, parce que personne ne peut deviner, sur le pas de la porte, qu’on quitte un domicile où on a pris soin d’une personne. »

Anne Lauseig en a fait son métier, à la suite d’une reconversi­on, à 40 ans. Pendant quatre ans, elle a travaillé de jour, roulant d’un domicile à l’autre pour s’occuper de plusieurs personnes, « parfois jusqu’à huit, voire davantage le week-end ». Des bénéficiai­res en situation de handicap, ou atteints de maladies. « Je faisais l’aide à la toilette, le repas, un peu de ménage, des jeux de stimulatio­n. » Un rythme effréné. « On a du mal à prendre du temps avec chaque personne. Or, notre métier, c’est l’humain. »

Charge mentale et physique

Anne a donc choisi, depuis trois ans, de travailler la nuit, de 20 h à 8 h, trois à quatre fois par semaine. « Je m’occupe d’une seule personne en situation de handicap. J’ai le temps de calmer ses angoisses, de l’écouter, de faire en sorte qu’elle passe une bonne nuit pour faciliter la tâche de l’équipe de jour. » En dépit de la pénibilité du travail de nuit, elle se juge « privilégié­e » : « J’ai redécouver­t mon métier. »

Son salaire ? « Environ 1 900 € net par mois, en comptant les primes de nuit, pour un temps plein. » Mais 75 % des aides à domicile sont à temps partiel, selon le ministère du Travail. « La rémunérati­on est alors de 1 000 € par mois en moyenne, alors que la charge mentale et physique est énorme, observe Anne. Parfois, c’est parce que la structure a choisi ce mode d’organisati­on. Dans d’autres cas, il peut s’agir de femmes qui n’ont pas les moyens de faire garder leurs enfants ou qui ne trouvent personne. »

La profession réclame une revalorisa­tion. Mais aussi des précisions sur la future carte profession­nelle, créée par le Parlement. « On espère que ça nous donnera accès par exemple au stationnem­ent gratuit ou à la prise en compte salariale de l’expérience. »

La retraite ? « Pour moi, pas avant 69 ans. Et encore, je ne toucherai que 1 000 €. Pour celles à temps partiel, ça sera encore plus difficile. On est précaire et on le reste à la retraite. »

(1) Le collectif organise une journée d’échanges le 6 avril à Talence (Gironde).

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| PHOTO : GETTY IMAGES La deuxième journée nationale des aides à domicile a lieu aujourd’hui.
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| PHOTO : DR Anne Lauseig, fondatrice du collectif La force invisible des aides à domicile.

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