Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
La méthode du prof de banlieue a fait des petits
Le monde est à eux sort mercredi au cinéma. Une année dans une classe de terminale de Drancy. Jérémie Fontanieu met en images sa méthode qui allie sévérité et lien avec les parents. Émouvant.
Au printemps 2021, une invitation tombait dans notre boîte mail. En substance : « Depuis trois ans, tous les élèves de notre classe ont décroché le bac. Est- ce que vous voulez découvrir comment nous y sommes parvenus ? » Signé : Jérémie Fontanieu.
Quelques jours plus tard, on débarquait au lycée Eugène-Delacroix de Drancy (Seine- Saint- Denis), dans la classe de ce professeur principal. Un agrégé de sciences économiques et sociales, titulaire d’une thèse en philosophie et… fan de rap. Cinq heures plus tard, on ressortait de l’établissement secoué.
La méthode Fontanieu ? Une extrême exigence vis-à-vis des élèves, pour les guérir de leur manque de motivation et d’ambition. Des QCM (questionnaires à choix multiples) chaque semaine pour évaluer leur progression. Et, surtout, un lien privilégié avec les parents, via des SMS hebdomadaires.
Depuis, le projet « Réconciliations », conçu à deux avec un professeur de mathématiques, David Benoît, a fait des émules. Deux cents enseignants y participent désormais dans toute la France. La majorité d’entre eux exercent en collège, certains en primaire. « Il y a des jeunes profs de 25 ans, la fleur au fusil, et des collègues de 60 ans avec trente- cinq ans d’enseignement qui redécouvrent leurs pratiques », s’enthousiasme Jérémie Fontanieu.
« Nouer un lien personnalisé avec les familles »
La sévérité n’est plus centrale. « Ce qui reste commun, c’est le travail avec les familles, l’envie d’aller les chercher et de nouer un lien personnalisé et régulier avec elles », résume Jérémie Fontanieu.
C’est sur les prémices de cette drôle d’aventure que revient aujourd’hui Le monde est à eux, un documentaire réalisé par Jérémie Fontanieu, à partir d’images tournées dans les années 2019-2020, qui
sort mercredi au cinéma, avec le soutien de Canal +.
On rit en entendant Tessa : « Quand je pense à l’année dernière, où j’étais une absentéiste de renom dans le lycée, j’avais cumulé 260 heures d’absence… » Ou devant ce dialogue lunaire. Helvin, effondré : « L’année dernière, je révisais juste quand y’avait contrôle. » Et son pote Killian, de répondre : « Je révisais même pas… »
La reprise en main par le duo Fontanieu- Benoît est drastique. Au placard, les portables. On se tient droit. Plus question de bâiller en cours. La couleur avait été annoncée aux parents avant même la reprise des cours.
Très vite, les premiers SMS tombent : « 4,5 sur 10 pour Helvin en SES cette semaine, c’est encore fragile. Il progresse mais il faut être patient.
Merci à vous. » Suivi d’un : « J’allais oublier : il n’avait pas sa calculatrice ce matin ?!!! Il sera collé pour cette erreur de débutant. Bien à vous. » Réponse du père : « C’est trop bête pour la calculatrice ! En espérant qu’il sera plus vigilant la prochaine fois… Pour le QCM, il m’en a parlé, il était déçu, je lui ai dit de s’accrocher. Bonne soirée. »
« Nous allons y arriver »
Autre échange : « Killian n’était pas au lycée à 8 h, tout va bien ? » « Bonjour oui, il avait mal au ventre, du coup il arrive pour le cours de 10 h. » « Bien reçu. Il avait un contrôle d’histoire à 8 h. J’en parle avec lui et la CPE. » « Merci. Oui, voyez ça avec lui parce que moi il n’écoute rien de ce que je lui dis. » « Ne dites pas ça, madame ! Nous allons y arriver. Bien à vous. » Et le film déroule ainsi une année scolaire.
Les notes progressent. Nouvel échange avec une mère de famille : « 8 sur 20, ce n’est pas une mauvaise note, quand il a eu 5 sur 20. Ne lui dites pas que c’est moyen. » Les cernes font place aux sourires. Devant les bulletins aux notes qui grimpent, Farah s’extasie : « J’apprends de ouf, c’est kiffant. »
Vient enfin le temps des résultats : 100 % de réussite, comme d’habitude, désormais. Une petite fête champêtre est organisée avec les parents. « Ne redevenez pas normaux, restez exceptionnels », lance Jérémie Fontanieu à ses élèves.
Pour les mômes devenus adultes en un an, c’est l’entrée en licence, DUT, BTS. Et même en classe préparatoire aux grandes écoles pour une douzaine d’élèves ! Chapeau bas.