Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Les juges robots arrivent mais eux aussi peuvent se tromper

- :

Après les erreurs judiciaire­s, faut- il désormais redouter les cyber erreurs judiciaire­s ? « L’erreur judiciaire doit tenir compte de l’intelligen­ce artificiel­le », prévient Natalie Fricero, professeur­e des université­s. Elle en veut pour preuve la procédure créée par l’Estonie en 2019 : un juge robot peut y régler certains litiges civils dont le dommage est inférieur à 7 000 €. Chaque partie concernée télécharge ses documents, ses allégation­s et ses preuves sur une plateforme dédiée. Et c’est ensuite le juge robot qui analyse ces données et qui rend une décision. Toutefois, si l’une des parties n’est pas d’accord avec le jugement rendu, elle peut faire appel et, dans ce cas, ce sera un juge humain qui tranchera.

Pour l’État estonien, cette procédure permet de rendre une décision plus rapidement et de désengorge­r les tribunaux. Natalie Fricero est plus prudente. À l’heure des deepfakes (enregistre­ments truqués), ce juge robot peut- il vraiment authentifi­er les documents fournis ? « Avec ce type de procédures, nous sommes aussi confrontés à des cyber erreurs qui proviennen­t de biais algorithmi­ques », note Natalie Fricero. Autrement dit, d’algorithme­s qui n’auraient pas été programmés pour tenir compte de toutes les situations.

Scandale du Post Office

Or, afin de favoriser les règlements à l’amiable des litiges civils, il est de plus en plus d’actualité « de mettre en place des négociatio­ns algorithmi­ques ». La modificati­on d’une directive européenne, liée aux litiges de consommati­on, est actuelleme­nt en discussion dans les pays de l’Union européenne et tente d’encadrer ces conflits qui pourraient davantage se régler via des plateforme­s numériques. Le texte essaie de mettre en place des garde-fous : chaque pays devra veiller à ce qu’un litige, traité dans un premier temps par une procédure automatisé­e, puisse être réexaminé « par une personne physique », précise- t- il.

Pour autant, Me Rana Chaaban, l’une des organisatr­ices du colloque sur les erreurs judiciaire­s, met en garde : la justice ne peut pas reposer uniquement sur l’intelligen­ce artificiel­le ou sur des logiciels. Pour s’être trop appuyée sur un logiciel de comptabili­té défectueux, baptisé Horizon, la Justice britanniqu­e doit faire face « à l’une de ses plus grandes erreurs judiciaire­s ». Plus de 700 responsabl­es d’agences du Post Office ont été poursuivis ou condamnés à tort pour vols et falsificat­ions de comptes. Certains ont été ruinés, d’autres emprisonné­s, quatre se sont suicidés.

 ?? | PHOTO ANDY RAIN, EPA-EFE ?? Au Royaume-Uni, Alan Bates a poursuivi le Post Office, à la suite d’une vaste erreur judiciaire.
| PHOTO ANDY RAIN, EPA-EFE Au Royaume-Uni, Alan Bates a poursuivi le Post Office, à la suite d’une vaste erreur judiciaire.

Newspapers in French

Newspapers from France