Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
L’homme déguste des huîtres depuis
Les Grecs en raffolaient ; les Romains en ont fait un plat de luxe. Louis XIV s’en régalait : l’huître a toujours été un mets de choix.
En Bretagne, en Normandie et en Vendée, les huîtres sont un des fleurons du patrimoine gastronomique local. Sur les côtes bretonnes, elles sont classées selon douze « crus » : en fonction des lieux et des savoirfaire des ostréiculteurs, les textures et les saveurs sont différentes. Mais c’est la Normandie qui occupe le premier rang des régions françaises en termes de tonnages. L’huître « Vendée Atlantique » présente quant à elle une particularité : elle est affinée dans des bassins que l’on nomme des « claires ».
Jadis, un aliment de pauvre
Les êtres humains consomment des huîtres depuis les temps préhistoriques : près de certaines côtes, ces ressources alimentaires étaient toujours disponibles et aisément accessibles. Des sites archéologiques de la façade atlantique se caractérisent par d’impressionnants amas coquilliers. Ces « collines d’huîtres » sont des dépotoirs formés par l’accumulation de millions de valves !
Les Grecs anciens raffolaient des huîtres. Au point qu’ils en conservaient les coquilles… qui leur servaient de bulletins de vote : c’est sur elles qu’ils gravaient le nom des hommes politiques incompétents ou corrompus qu’ils voulaient bannir de leur cité, en d’autres termes, ostraciser (du grec ostrakon, huître). Les Romains furent les premiers, à partir du IIe siècle avant notre ère, à pratiquer l’élevage des huîtres.
De l’Antiquité jusqu’au XVIIIe siècle, elles représentaient une denrée de grand luxe dans les régions éloignées du littoral. Le Roi Soleil s’en régalait : les huîtres parvenaient chaque jour à sa table, depuis le port de Cancale. Louis XV aussi les appréciait : il les accompagnait d’un nouveau breuvage, le champagne (à cette époque, on prêtait aux huîtres des vertus médicinales et… aphrodisiaques). Celles de Bourgneuf, entre Loire-Atlantique et Vendée, étaient très réputées : en 1767, un journal affirmait qu’elles passaient « pour les meilleures du royaume ».
Luxe et luxure
L’huître était donc un produit de luxe (et de luxure). Mais elle était aussi, pour les populations côtières, une nourriture bon marché, voire gratuite. Elle était surtout consommée lors des périodes de jours « maigres » où l’Église prohibait la consommation de viande. En 1755, le Parlement de Bretagne interdit pendant six années de ramasser des huîtres à Tréguier, sauf pendant les quarante jours précédant Pâques : lors du carême, la population locale devait pouvoir être approvisionnée en huîtres (l’interdiction était motivée par le risque d’épuisement de la ressource).
En 1765, un règlement de l’amirauté de Saint-Malo prohiba la vente des huîtres de mai à août, les fameux mois sans « r ». Outre la protection du gisement, la mesure avait aussi un but sanitaire : denrée très fragile, l’huître pouvait s’altérer rapidement les jours de grande chaleur.
Les premiers parcs à huîtres furent créés au XVIIIe siècle. Les Bretons purent augmenter leur production et les Normands développer leurs exportations vers la capitale. En 1841, un auteur note que « les parcs de Courseulles, de Dieppe et du Tréport sont les seuls qui fournissent directement Paris ». Entretemps (en 1816) étaient apparus les premiers parcs à huîtres de l’île de Noirmoutier, suivis par ceux de la baie de Bourgneuf.
Dès la fin du XIXe siècle, la surexploitation des bancs, stimulée par l’explosion de la demande (le chemin de fer permettait un transport rapide) entraîna la chute des quantités commercialisées. Pour tenter de l’enrayer, Napoléon III décida d’encourager les recherches et l’implantation de nouveaux parcs d’élevage.