Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
L’huître japonaise a sauvé les parcs du bassin d’Arcachon
Un accident bénéfique
En 1868, un navire transportant des huîtres du Portugal fut contraint de se débarrasser de sa cargaison dans l’estuaire de la Gironde. Ces huîtres creuses étaient à la fois prolifiques et résistantes : rapidement, elles formèrent des bancs naturels. En 1920, les huîtres plates françaises furent touchées par une épizootie. Les Portugaises les remplacèrent en partie, notamment à Arcachon et à Marennes. En revanche, les plates belons prospéraient toujours en Normandie, en Bretagne et sur les rives de la Méditerranée. L’huître portugaise fut à son tour décimée dans les années 1970 et, à la même époque, d’autres microbes s’attaquèrent aux belons. Le salut des ostréiculteurs vint cette fois d’une huître creuse du Pacifique, dénommée « huître japonaise ».
L’élevage des huîtres de Cancale au patrimoine de l’humanité
Au IVe siècle, le poète Ausone notait déjà que « certains vantent les huîtres de la mer armoricaine ». Au XVIIIe siècle, plusieurs sites bretons ont acquis une réputation d’excellence : Paimpol, Saint- Brieuc, Tréguier et le golfe du Morbihan. Mais un lieu domine tous les autres : celui de
Cancale. Son grand banc d’huîtres sauvages approvisionne la cour de Versailles. Au siècle suivant, l’affinage en parc fait son apparition. Mais rapidement, la production décline : la pêche trop intensive épuise le banc naturel. En quinze ans, les volumes produits sont divisés par cinq ! Cependant, la réputation demeure : en 2019, les savoir- faire traditionnels de l’élevage des huîtres de Cancale ont été inscrits par l’Unesco au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Comme la pizza, il existe une huître « quatre saisons » Aujourd’hui, près de 40 % des huîtres vendues en France sont des huîtres dites « triploïdes ». Elles sont le résultat de croisements réalisés en 1997 par l’Ifremer ( Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer). Encore appelée « huître des quatre saisons », la triploïde peut être commercialisée toute l’année.
En effet, étant stérile, elle n’est plus laiteuse en été (cet état, jugé désagréable par certains, est lié à la présence de laitance pendant la période de reproduction). Autre atout : née en écloserie, la triploïde atteint sa maturité en deux années contre trois à quatre pour les huîtres d’origi
ne marine. Mais cette huître de laboratoire est critiquée pour son caractère non naturel.
Reconnaissance européenne pour l’huître de Normandie
En 2023, « l’huître de Normandie » a vu sa qualité et les savoir- faire traditionnels des ostréiculteurs reconnus et protégés par l’obtention d’un label européen ( IGP, Indication géographique protégée). L’aire concernée s’étend sur l’ensemble du littoral nor
mand, soit 1 200 ha de parcs à huîtres entre la baie de Granville dans la Manche et Veules- les- Roses en Seine- Maritime. Ce littoral, riche en bassins ostréicoles réputés comme ceux d’Isigny et de Saint Vaast- laHougue, offre des conditions propices : force des courants marins de la Manche et apports, par les cours d’eau qui se jettent dans la mer, d’éléments nutritifs favorisant le développement du phytoplancton dont les huîtres se nourrissent.