Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
DCitoyens clandestins, des agents très spéciaux
Pour l’atmosphère mélancolique. La cinéaste Lætitia Masson adapte le roman noir de DOA, transformant son thriller d’espionnage violent en dérive existentielle dans une mini-série d’Arte.
À l’origine de la mini- série Citoyens clandestins, on trouve le roman de DOA (pseudonyme de l’écrivain Hervé Albertazzi). Un pavé d’espionnage de 700 pages, à base de barbouzeries globalisées passant de l’Afghanistan à Londres et à la Syrie.
Le nombre de personnages a de quoi faire pâlir Tolstoï ; les camps des héros y sont multiples et changeants, les sigles et acronymes inondent les pages, et l’auteur emmène ses lecteurs dans un marécage où géopolitique, drogue, religion, sexe et services secrets se mélangent dangereusement…
Le genre de livre impossible à transcrire sur le petit écran ? Pourtant, Lætitia Masson s’y est essayée. La cinéaste d’En avoir (ou pas), plus habituée à la psychologie qu’à l’action virile, plus versée dans les émotions que les fusillades, n’était pas un choix évident. Mais elle a su tirer de ces contraintes et de ces limites une vraie force.
Tourments intérieurs
Plutôt que de vouloir assurer le quota pyrotechnique, elle se focalise sur le romantisme vénéneux de l’ouvrage. Pour résumer l’intrigue, disons que l’on suit trois personnages au lendemain du 11- Septembre.
Lynx, interprété par Raphaël Quenard, est un mystérieux mercenaire
qui travaille pour les services secrets français ; Fennec, joué par Gringe, est un espion infiltré dans une mosquée salafiste ; enfin Amel, incarnée par Nailia Harzoune, est une jeune journaliste idéaliste qui tente de comprendre ce que toutes ses officines fabriquent dans l’ombre. Car le péril menace : un groupe terroriste prépa
re un attentat. Lætitia Masson a délibérément choisi de simplifier l’intrigue géopolitique et d’éliminer les scènes d’action. Elle se concentre sur les tourments intérieurs de ses personnages, leur solitude existentielle et leur mélancolie – ici, on lit Baudelaire et on trompe son ennui dans l’alcool.
Citoyens clandestins est finalement moins une série d’espionnage réaliste qu’un lamento stylé et paranoïaque.
Citoyens clandestins. Série créée par Lætitia Masson. Quatre épisodes de 52 minutes. Disponible sur arte.tv.