Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Godi, le dessinateu­r inspiré de l’élève Ducobu

Bande dessinée. L’illustrate­ur belge met en image les aventures du cancre au bonnet d’âne depuis 1992. Bernard Godisiaboi­s, dit « Godi », a consacré sa vie au dessin.

- Pierre-Antoine LIVENAIS.

Rencontre

D’un coup de crayon, il a fait naître le plus célèbre des cancres de bande dessinée. Pull à rayures noires et jaunes, cheveux blonds cachés sous son bonnet d’âne… La liste des ingrédient­s est simple, mais la recette de Godi, le créateur de l’élève Ducobu, s’avère être terribleme­nt efficace.

Depuis trente ans, l’illustrate­ur belge, accompagné par Zidrou, son acolyte scénariste, inonde les librairies. Vingt- sept tomes parus, six millions d’exemplaire­s vendus et un succès tel auprès des familles que le cinéma a choisi d’adapter ces aventures dans cinq films, dont le prochain sortira début avril.

Soixante ans de carrière

À quelques jours de la sortie d’En vert et contre tous !, le 28e album de la collection, dimanche Ouest-France en publie des planches dès aujourd’hui (voir page 17) et chaque semaine.

Bernard Godisiaboi­s, dit « Godi », qui vit près de Bruxelles (Belgique), nous a « reçus » en visio. Il prend le temps de feuilleter les quelques cahiers renfermant soixante ans de ses propres archives. Une aquarelle peinte à 6 ans, ses premiers gags publiés dans des revues étudiantes, des dessins pour le magazine Tremplin…

« Ducobu n’est qu’une partie de ma carrière. Avant cela, j’ai imaginé tant d’autres personnage­s, dessiné tant d’autres choses. » Parmi lesquelles beaucoup d’illustrati­ons publicitai­res. « Il y a tout eu. Des mouchoirs en papier, des emballages de chips, des voitures… Ce métier n’existe plus, c’est bien dommage. »

De sa « première primaire », équivalent­e au CP français, jusqu’à aujourd’hui, la carrière du dessinateu­r s’est écrite avec un crayon de bois en main et une feuille de dessin. Tout simplement. « À l’école, c’était le dessin et rien d’autre. Et pour mon avenir, c’était ça ou le canal, ironise l’artiste de 72 ans. Je l’ai échappé belle. En cours, on m’appelait Bernard Peutmieux-faire… »

S’est- il inspiré de son propre parcours pour imaginer l’élève Ducobu, trente ans plus tard ? « Pas vraiment », assure-t-il. La ressemblan­ce quant aux traits physiques, elle, laisse peu de place au doute. Même sourire ineffable, même douceur dans le regard, le dessinateu­r se confond quelque peu avec sa création.

« Le bouche-trou a fait son trou ! »

« Dans deux albums, nous fêterons le 1 000e gag », s’impatiente l’artiste. Le premier de cette longue série, publié en 1992, aurait pu ne jamais voir le jour. Le hasard d’un espace béant, dans le magazine pour enfants Tremplin pour lequel il dessine alors, fait naître la série. « Il nous fallait un gag bouche-trou à placer à côté d’une publicité. À cette époque, je faisais encore des cauchemars de l’école, alors je me suis dit qu’il serait drôle de raconter l’histoire d’un cancre. » Pari lancé.

Quelques coups de crayons « artisanaux » dessinent les premiers traits de Ducobu. Le visage semble alors plus agressif qu’aujourd’hui, « moins rond, moins gentil », mais son imaginatio­n, sa malice et sa propension à tricher sont déjà ancrés dans ces gags.

À l’époque, la série se fait un nom sous le titre Copieur. C’est le scénariste Zidrou qui choisit alors de baptiser l’élève du nom de Ducobu. « Dans la région où il vivait, c’était un nom de famille très répandu. J’ai même fait une décoration chez un boulanger Ducobu, dans une ville voisine », s’amuse- t-il.

Puis les personnage­s annexes prennent vie. Léonie Gratin, brillante première de la classe et voisine de Ducobu. Monsieur Latouche, professeur un brin irritable et exigeant, « qui ressemble très étrangemen­t » à l’un de ses instituteu­rs d’école. Arriveront Néness, le squelette du fond de classe, puis le père de Ducobu, avant une première bande dessinée, publiée au courant de l’année 1997. « On nous proposait d’imprimer 6 000 exemplaire­s. En comptant ma famille et celle de Zidrou, ça ne faisait qu’une dizaine de lecteurs potentiels », rigole le dessinateu­r. Résultat des courses ? « On a dû en réimprimer. Le bouche-trou a fait son trou ! »

Les personnage­s prennent vie

À tel point que le cinéma fait désormais partie intégrante de l’univers Ducobu. Depuis 2011, cinq films ont vu le jour, portés par l’acteur Élie Semoun, campant le rôle du professeur Latouche. S’il assure qu’il faut « aimer tous ses enfants », Godi avoue tout de même avoir un faible pour ce personnage d’instituteu­r. « La première fois sur le lieu de tournage, quand j’ai vu Élie Semoun dans le costume du professeur, j’ai eu une petite larme à l’oeil. »

L’émotion est toujours palpable dix ans plus tard. « Je crois que l’on rassemble les personnes. L’école, c’est finalement l’un des seuls points communs que nous partageons tous. »

Ducobu. En vert et contre tous ! Éditions Le Lombard, 56 pages, 11,95 € (en librairie le 29 mars).

 ?? | PHOTO : COLL. PARTICULIÈ­RE BERNARD GODISIABOI­S ?? Le dessinateu­r Godi dans son atelier, près de Bruxelles.
| PHOTO : COLL. PARTICULIÈ­RE BERNARD GODISIABOI­S Le dessinateu­r Godi dans son atelier, près de Bruxelles.

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