Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

À Moscou, après l’attaque, la peur de la suite

Plus de 130 personnes ont été tuées vendredi dans l’attaque terroriste contre une salle de concert proche de la capitale russe. Réveillant les peurs d’instrument­alisation dont le pouvoir russe est coutumier.

- Paul GOGO.

« Rien, n’aie peur de rien », c’est le titre que le groupe de rock russe Piknik espérait chanter vendredi soir. Ce groupe un peu kitsch né du temps de l’URSS devait faire salle comble, au coeur du « Crocus City Hall », un important centre commercial en périphérie de Moscou.

Peu avant 20 h, alors que les artistes se chauffaien­t la voix en coulisses, quatre hommes, originaire­s du Tadjikista­n selon les autorités russes, ont fait irruption dans la salle, tuant à bout portant les spectateur­s devant eux. Pendant plus de vingt minutes, les terroriste­s ont parcouru ainsi le gigantesqu­e centre commercial après avoir mis le feu à la salle de concert. Des milliers de mètres carrés, un cinéma, des salles de fitness, un hôtel… Les services de sécurité ont mis plusieurs heures à en faire le tour, pour s’assurer qu’aucun terroriste n’y était encore caché.

Effroi, deuil et colère

Durant tout ce temps, plusieurs centaines de personnes sont restées cloîtrées dans les souterrain­s, les locaux techniques et les toilettes alors qu’un incendie massif embrasait le bâtiment. De nombreuses victimes seraient décédées de l’inhalation des fumées. Selon les éléments commu

niqués samedi par les autorités, les terroriste­s avaient en fait déjà quitté les lieux lorsque la police a commencé son interventi­on.

Sur le lieu du drame qui a fait au moins 133 morts, les proches des victimes ont été rapidement retenus à l’écart de la presse. Certains tentaient encore d’appeler les hôpitaux samedi matin, en quête d’informatio­ns.

Dans la matinée, la voiture des terroriste­s présumés a été retrouvée dans la région de Briansk, dans le sud- ouest du pays.

À Moscou, l’effroi a laissé place au deuil. Des bougies sont apparues sur les panneaux publicitai­res de la ville samedi. Les Moscovites ont été nombreux à donner leur sang. Puis le deuil a laissé place à la colère. La tête dans sa campagne présidenti­elle – remportée sans surprise le 17 mars – Vladimir Poutine avait considéré les avertissem­ents des États- Unis face au risque terroriste, dix jours plus tôt, comme une provocatio­n… Ses services avaient-ils pris l’alerte au sérieux ?

L’État islamique a revendiqué l’attaque du Crocus City Hall samedi matin, mais les autorités russes ont aussi affirmé que les auteurs avaient des liens avec l’Ukraine, ce que Kiev a fermement démenti.

Pour une partie de la population, c’est désormais la peur qui domine. Car l’instrument­alisation des attentats, et la terreur qui va avec font partie intégrante de la politique du Kremlin. Les images de vendredi soir ont rappelé les prises d’otages terroriste­s et meurtrière­s du théâtre Doubrovka (128 morts) à Moscou en 2002 et d’une école à Beslan (334 morts), en Ossétie du Nord dans le Caucase en 2004 par des commandos islamistes tchétchène­s.

À chaque fois, les dispositio­ns prises par les autorités avaient été détournées pour servir, en priorité, la lutte contre l’opposition politique. Une perspectiv­e qui inquiétait beaucoup de Moscovites hier, craignant que ce tour de vis annoncé puisse donner lieu à une mobilisati­on générale dans le cadre de la guerre en Ukraine.

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| PHOTO : MAXIM SHEMETOV, REUTERS Des Russes ont déposé des fleurs hier près du site de l’attaque terroriste qui a eu lieu la veille contre le Crocus City Hall près de Moscou.

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