Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Deux dodos jouent les stars au Muséum de Paris

Pour fêter les 30 ans de la Grande Galerie de l’évolution, deux nouveaux dodos ont pris place dans l’espace des espèces menacées et disparues. En ayant au préalable un peu minci.

- Anne-Flore HERVÉ.

Un regard hautain cueille les visiteurs. Le bec ouvert semble leur dire : « Bienvenue. Nous avons disparu, et nous sommes là pour vous le rappeler. » Juste derrière, dans un mouvement figé, un congénère avance la tête avec curiosité…

Pour fêter les 30 ans de la Grande Galerie de l’évolution du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, deux dodos plus vrais que nature ont pris place, vendredi, dans la vitrine installée à l’entrée de l’espace des espèces menacées. Ils remplacent l’ancien, au corps massif et aux pattes courtes. Les deux artefacts sont plus élancés, soyeusemen­t plumés et expressifs à souhait. Sont-ils plus ressemblan­ts aux oiseaux coureurs de l’île Maurice disparus en 1681 ?

« Les premières descriptio­ns du dodo par des naturalist­es datent de 1598 », relate Claire Le Borgne. Leur découverte cause leur perte en moins d’un siècle. Non pas à cause de leur chair mais en raison de la destructio­n de leur habitat. « Leurs oeufs étaient très appréciés par les rongeurs amenés par les Européens », explique la conservatr­ice des bibliothèq­ues du Muséum national d’Histoire naturelle.

Pataud et débonnaire ?

Des archives, elle a exhumé des documents manuscrits et des illustrati­ons inspirées d’une peinture hollandais­e du XVIIe siècle attribuée à Roelandt Savery : Edwards’Dodo représente un spécimen dodu, sans doute en surpoids du fait de sa captivité et peutêtre en train de parader. Cette image débonnaire et pataude s’installe dans l’imaginaire. Le dodo s’invite même dans Les aventures d’Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll tandis que les scientifiq­ues lui manifesten­t un regain d’intérêt au XIXe siècle.

Après avoir douté de son existence au siècle précédent, ils s’intéressen­t de près à un crâne conservé au Dane

mark, une patte momifiée au British Museum, ainsi qu’une tête et une patte au musée d’Oxford. « En 1848, des savants ayant pu disséquer la tête et la patte d’Oxford, analysent les os et identifien­t qu’il s’agit d’un pigeon géant, continue la conservatr­ice. Mais ils ne font pas tout de suite l’unanimité. » Pendant plusieurs années, pro- vautours et propigeons s’affrontent. « Plus maintenant », rassure Claire Le Borgne. Tout le monde s’accorde à dire que le dodo est un pigeon dont la taille est estimée autour de 70 cm.

« C’est étonnant et difficile à croire », sourit Vincent Cuisset, taxidermis­te. Depuis décembre, dans l’atelier du Muséum, il donne corps, avec Camille Renversade, illustrate­ur et

sculpteur, non pas à un, mais à deux dodos à l’état sauvage. « C’est plus sympa pour raconter une histoire », argumente l’artiste en dessinant les écailles d’une patte du dodo habillé, l’autre étant encore tout nu… « Mais j’ai peint son bec », rassure-t-il. À une semaine de la mise en vitrine, la tension est palpable mais la passion les porte. « Je ne m’arrête pas car j’ai fait de la résine », s’excuse le taxidermis­te, tout en aplatissan­t des plumes du dodo.

« Ça reste une interpréta­tion »

La réalisatio­n d’un prototype dans un cadre artistique a réuni les deux hommes en 2013. Aujourd’hui, ils veulent mettre la barre plus haut. « On cherche à être le plus réaliste possible, même si, quoi qu’on fasse, ça reste une interpréta­tion », commente Vincent Cuisset. Des dessins de dodo tapissent une armoire métallique, dont le tableau de Savery. « Je m’en suis inspiré pour les plumes, précise le taxidermis­te. Je les voulais duveteuses et au bout arrondi. » Il a trouvé son bonheur dans un élevage d’oies. « Quand on s’est lancés, on ne savait pas si ça allait fonctionne­r… » avouet- il.

Depuis, ils ont eu l’aval scientifiq­ue d’Anick Abourachid. La spécialist­e des oiseaux et de leur posture du Muséum leur a juste fait rectifier la position des griffes. « Mais sinon, il n’y a rien à redire », conclut- elle.

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| PHOTO : ANNE-FLORE HERVÉ, OUEST-FRANCE Vincent Cuisset, taxidermis­te, et Camille Renversade, illustrate­ur et sculpteur, ont donné corps aux deux dodos.
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| PHOTO : ANNE-FLORE HERVÉ, OUEST-FRANCE Le fil bleu évite que les plumes ne rebiquent.
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| PHOTO : MNHN - JEAN-CHRISTOPHE DOMENECH Ceux dodos ont été installés dans la vitrine vendredi.

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