Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Hugo, 18 ans, est en fauteuil, il croque la vie
Handicapé depuis sa naissance, l’étudiant anime des chroniques à la radio. Affichant une détermination sans faille pour forcer les portes et trouver sa place « au culot » dans la société.
Nantes, cité universitaire Fresche Blanc. On a rendez-vous avec Hugo Le Beuze, 18 ans, infirme moteur cérébral depuis sa naissance. « Je suis passé de la poussette au fauteuil roulant électrique », explique-t-il.
Le Quimpérois est arrivé à Nantes (Loire-Atlantique) il y a trois ans, pour intégrer le lycée inclusif Les Bourdonnières, organisé pour un accueil optimum des élèves handicapés. « Ça m’a permis de gagner en autonomie, de m’épanouir scolairement, amicalement, humainement. Ça a changé ma vie », assure le jeune homme.
Il a besoin d’être aidé au quotidien (un auxiliaire de vie passe matin, midi et soir), mais pas pour ses cours. « J’ai la chance d’être bien entouré, par mes amis, ma famille, des professionnels, souligne- t- il. Je suis conscient que sans ça, dans ma situation, c’est beaucoup plus difficile. Il peut même y avoir des obstacles impossibles à surmonter. »
À la radio sur France Bleu
Depuis septembre, il est étudiant en première année de sociologie. Avec l’objectif de devenir journaliste. Fin connaisseur du FC Lorient, il intervient régulièrement sur France Bleu Breizh Izel avant les matchs de foot de son club de coeur.
Ses premiers mots derrière le micro, il les doit à un coup de fil passé « au culot », il y a trois ans, à Radio Évasion. La radio associative finistérienne l’invite alors à participer, avec d’autres jeunes, à une émission de football sur l’Euro 2021. « J’avais pris beaucoup de plaisir et un peu monopolisé la parole… Mais du coup, ça l’a fait », s’amuse celui qui a aussi lancé un podcast autour du handicap, Handi Up (sur Alternantes FM, radio nantaise).
Sa passion pour les Merlus lui vient de son grand-père maternel. « Un souvenir m’a marqué : lui, debout sur la table du salon, pendant un match de Lorient… Je m’étais dit :
Houlà… Il se passe un truc intéressant ! Après, à 7- 8 ans, j’ai eu des opérations à Kerpape (centre de rééducation), des trucs assez douloureux. Certains joueurs venaient nous voir. D’autres nageaient dans la même piscine que nous… »
Il prévient : « Quand je parle du club de Lorient, j’ai du mal à m’arrêter… » Il poursuit : « Petit, je ne voyais pas le ballon (du fait d’un problème de vue). J’ai vite compris que je n’allais pas devenir joueur de foot. Et je me suis dit que la meilleure place, c’était celle du commentateur, celui qui transmet l’émotion. »
La radio accompagne le gamin
dans son quotidien. « Ça commençait le matin sur RTL avec Yves Calvi, jusqu’au soir sur RMC pour le foot. Ça m’a donné une bonne mémoire auditive qui m’aide pour retenir les cours magistraux à la fac », apprécie l’étudiant, qui a très bien réussi ses premiers partiels.
Au détour d’une discussion qu’il mène tambour battant d’une voix posée, précédant la plupart des questions, il évoque pourtant des difficultés. En dehors des cours, sur le campus, il aurait besoin d’une aide qu’il ne parvient pas à obtenir. Nous avons contacté la présidence de l’université, les responsables des structures d’aide aux handicapés, une professionnelle. Et fini par comprendre que dans ce cas bien spécifique (1), c’est à Hugo, jeune majeur, de recruter luimême la personne qui passerait l’aider sur le campus entre ses cours.
Des démarches administratives qui peuvent vite s’apparenter à un parcours du combattant dans un quotidien déjà lourd à gérer. « La semaine dernière, mon fauteuil est tombé en panne de batterie. Je n’ai pas pu aller en cours. Qu’est- ce que tu fais ? Tu insultes la Terre entière ? Tu pleures ? Ben non… Sinon, quelque part, tu accrédites ceux qui pensent qu’on est trop fragiles. Quand tu as une baisse de moral, ça peut mener très bas, mais il faut essayer de regarder droit devant. »
« On est infantilisés »
Chaque déplacement doit être anticipé. « Le train, c’est le pire. » Invité au Journal de 13 h de France 2, en novembre dernier (là aussi, à la faveur d’un mail envoyé au « culot ») , il raconte un retour qui a failli virer au fiasco. En gare Montparnasse à Paris, on lui a vertement répondu : « Ah non, M. Le Beuze. Votre train part à 7 h 57. Votre prestation d’assistance était à 7 h 27. Il est 7 h 28, c’est trop tard. » Le problème ne s’est réglé qu’avec l’intervention du proche qui l’accompagnait. « On a du mal à être écoutés. Cette infantilisation, c’est violent. »
Hugo rêve que les personnes handicapées se rassemblent, descendent dans la rue pour se faire entendre, regrettant leur invisibilité dans la société. « Mais très clairement, je n’échangerais pas ma vie contre une autre, dit- il. J’ai mes regrets, mes blessures, mes difficultés. Mais je suis heureux de ce que j’ai vécu, de ce que je vis, de ce que je veux vivre. »
Pascale LE GARREC.
(1) En France, chaque université gère de façon autonome l’accueil des étudiants en situation de handicap, ils sont près de 60 000 à bénéficier d’un accompagnement.