Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
La tragique affaire Troadec racontée sur scène
Dans Les disparu.e.s de Nantes, Nicolas Bonneau et Sylvain GirO s’inspirent du genre populaire de la complainte criminelle pour raconter l’affaire. Leur spectacle sera présenté le 10 avril à Rennes.
De quoi parle le spectacle
Les disparu.e.s de Nantes ?
Il raconte l’affaire Troadec, en s’inspirant de la complainte criminelle telle qu’elle était chantée sur nos places publiques, de la fin du XVIIIe à la Seconde Guerre mondiale.
Qu’est-ce que la complainte criminelle ?
Ce sont des chanteurs ou des chanteuses marchands de rue qui allaient sur les places publiques et qui chantaient, sur des airs connus, la complainte criminelle sur un fait divers qui venait d’avoir lieu. Elles duraient en moyenne cinq- six minutes. Si les chanteurs avaient bien fait leur travail, à la fin, les gens achetaient une feuille volante, ce qu’on appelle un canard sanglant, où ils retrouvaient le texte de la chanson, une iconographie et la mention « à chanter sur l’air de… ». Les complaintes criminelles ont décliné avec l’arrivée des journaux.
Pourquoi avoir choisi cette affaire ?
Il y avait cette histoire de jalousie familiale et de paranoïa collective autour de la notion de trésor, qui est assez incroyable. C’est une affaire qui parle
de burn- out. On a tous dans notre entourage des gens qui en ont été victimes. Et puis, il y a aussi dans cette histoire deux maisons de l’horreur. Celle à Pont- de-Buis, dans le Finistère, où le plan a été préparé et celle en campagne où les corps ont été découpés.
Comment avez-vous travaillé sur cette affaire ?
Ça nous a pris trois à quatre mois de recherche documentaire. On a essayé d’être quasi journalistiques, du meurtre au procès. On essaye de se mettre dans la peau des victimes, et de l’assassin et de sa complice. C’est très éprouvant. On a essayé
d’être le plus respectueux en rétablissant à la fois la complexité de l’affaire mais aussi l’humanité des victimes.
Comment expliquez-vous l’attrait pour cette affaire ?
Il y a une force d’attraction par rapport à la monstruosité. On essaye de montrer la complexité de l’affaire. On finit par se dire que, finalement, ces protagonistes nous ressemblent énormément. Il y a une histoire d’argent, de paranoïa collective, de jalousie familiale…
Comment avez-vous travaillé sur la mise en scène ?
On essaye d’apporter dans le spectacle des éléments de distance par rapport à l’affaire, de poésie, de musique. On alterne conte et chant traditionnel. On montre aussi des tableaux, réalisés par Tati Mouzo, qui est un peintre de Saint-Brieuc. Ça fait écho à une tradition de la complainte criminelle. Les chanteurs installaient derrière eux un dispositif visuel, on appelait ça des tableaux de crime.
Recueilli par Lucile MOY.
Le quadruple meurtre de la famille Troadec, en février 2017 dans la banlieue de Nantes, avait secoué la France entière. Sur fond de jalousie et de paranoïa familiale autour d’un légendaire trésor qu’aurait usurpé la famille. Hubert Caouissin, le beau-frère de Pascal Troadec, avait tué à leur domicile le père, la mère Brigitte, et leurs deux enfants, Charlotte et Sébastien, âgés de 18 et 21 ans. Les corps démembrés puis brûlés avaient été retrouvés un mois plus tard, à Pont- de- Buis ( Finistère). Hubert Caouissin a été condamné en juillet 2021 à 30 ans de réclusion criminelle pour le quadruple meurtre de la famille Troadec.
La première représentation du spectacle, à Bouguenais, près de Nantes, s’est jouée à guichets fermés. Prochaine date mercredi 10 avril, au festival Mythos à Rennes