Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Quel est ce moulin qui reste les pieds dans l’eau ?
Le moment d’histoire. À l’ouest de Bréhat se trouve un bâtiment bien particulier : un moulin à marée. Planté là depuis 1638, il est aux mains de l’Association des amis du moulin de Birlot, née en 1994.
À marée haute, il est visible de moitié. Sa roue quasi immergée. Le moulin de Birlot, sur l’île de Bréhat, fait partie des rares moulins à marée encore présents dans les Côtes- d’Armor : ils sont moins d’une dizaine du Trégor à la Rance. Celui- là, a la particularité d’attirer les regards : rares sont les badauds à ne pas rapporter un cliché de lui les pieds dans l’eau, sur le continent.
« La mer peut monter jusqu’à plus de 11 mètres et jusqu’à 40 centimètres de haut à l’intérieur du moulin », précise Marion Le Pache, présidente et membre de l’Association des amis du moulin de Birlot. Ce dimanche de la fin mars, des brins d’algues reposent encore sur les lattes du plancher.
Ils redescendront avec la prochaine marée. Et ainsi de suite pour ce moulin qui a tout un pan d’histoire derrière lui, et une association à ses petits soins, dont c’est le 30e anniversaire cette année. Commandé par le sieur de Tanouarn, sur ordre du Duc de Penthièvre, le bâtiment, qui se visite quand la marée le permet, a mis cinq ans pour sortir de terre et prendre place, en 1638.
Trois siècles d’activité
Une de ses spécificités : grâce à une écluse, l’eau emplit l’étang à côté lorsque la mer monte et, à marée descendante, fait tourner une roue à aubes, mettant en mouvement une grosse meule en pierre. Le moulin ne peut alors être utilisé que quelques heures. À peine six, le temps que la marée descente et monte. Depuis la XVIIe, les habitants de Bréhat et des îles avoisinantes venaient y faire moudre leur blé, durant ce court laps de temps – certains arrivaient directement par la mer, pour récupérer les sacs de farine, qui nourrissaient une bonne partie des locaux. En 1744, de gros travaux sur le bâtiment, la digue et la chaussée, permettent de remettre la bâtisse en ordre.
Pendant trois siècles, le moulin sert donc à transformer du froment, de l’orge et du blé noir, pour en faire de la farine, mais aussi du méteil – mélan
ge de plusieurs céréales – pour les animaux.
Dans les années 1920, le lieu cesse son activité. Un boulanger s’est installé sur l’île et fait de l’ombre à la bâtisse. « Les Bréhatins ont sans doute pris goût au pain blanc » fabriqué par le nouvel artisan et sa farine venue du continent, retrace Marion Le Pache. Le bâtiment est abandonné et la meule est cassée à coups de marteau, pour que plus personne ne s’en serve et que le meunier ne soit plus taxé sur cet outil de travail.
En 2000, de la farine
Passant de propriétaire en propriétaire, le moulin se dégrade alors. Son toit, remplacé par une toiture de fibrociment à deux pans, ne résistera pas à l’ouragan de 1987. En 1990, la commune de Bréhat se porte acquéreuse du bâtiment, de la digue, de l’étang et procède aux premiers travaux de sauvegarde des murs. En 1994, l’Association des amis du moulin de Birlot
se crée et réunit environ 120 adhérents. Ils seront jusqu’à plus de 300 en 1998, pour redescendre à une centaine.
À l’origine de cette création, Marion Le Pache, entre autres. « J’ai joué là-bas quand j’étais jeune : on y allait à marée basse. Certains jeunes y vont encore mais ils ne devraient pas, c’est dangereux », poursuit l’amoureuse du lieu.
D’année en année, la toiture, les portes, les fenêtres et le plancher sont réalisés, grâce au mécénat de deux compagnies d’assurances. Puis, la roue, les meules et le mécanisme, ont été remis en état.
Et le moulin a recommencé à moudre de la farine de blé noir, pour le bon plaisir des Bréhatins, en 2000.
Des festivités à venir
Pour les 30 ans de l’association, les adhérents ont imaginé les choses en grand. Le lieu sera ouvert pour les journées du patrimoine de pays et des moulins, fin juin. Deux conférences sont également prévues, l’une donnée par l’ingénieur André Carsenat et l’autre, par le commissaire-priseur Philippe Rouillac. Autre événement, autre ambiance : un spectacle sera également monté fin août, par la compagnie des Scènes de Bréhat, avec des amateurs, pour retracer l’histoire du moulin. Sans compter les corvées de vase en août et les Journées européennes du patrimoine, en septembre.
Et parce qu’il n’y a pas que l’histoire. Les amis du moulin de Birlot espèrent refaire prochainement le toit et toute la muséographie du monument, vieux de presque quatre siècles.
Et pourquoi pas ajouter « une hydrolienne – turbine hydraulique – pour générer de l’électricité dans le moulin », qui n’est éclairé que par la lumière du jour, confesse Marion Le Pache.