Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Trop de carences dans l’inclusion des handicapés

Pénurie de personnel dans les classes, places insuffisan­tes dans les instituts médicoéduc­atifs, manque de contrôle des conditions d’accueil. Zone interdite pointe les lacunes de l’État.

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Esther Goldmann, réalisatri­ce de Scandales et défaillanc­e de l’État, les dossiers noirs du handicap.

Où en est la scolarisat­ion des élèves en situation de handicap ? Insérer les enfants à l’école est un formidable objectif, prévu par la loi de 2005 sur l’inclusion. Le dispositif Ulis (unité localisée pour l’inclusion scolaire) prévoit que les enfants sont accompagné­s par une AESH (accompagna­nt d’élève en situation de handicap) et qu’un enseignant spécialisé leur apporte un soutien dans leurs apprentiss­ages. Le ministère de l’Éducation se félicite que 430 000 élèves en bénéficien­t. En théorie. Car il y a une pénurie d’enseignant­s qualifiés. Ainsi que d’AESH. 80 % sont en CDD, rémunérés 800 € net par mois pour vingt- quatre heures dispatchée­s sur la semaine.

Pourquoi avoir filmé en caméra cachée ?

Faute d’autorisati­on de l’Éducation nationale, nous avons fait embaucher une journalist­e comme AESH. Recrutée en quarante-huit heures, elle a été affectée sans expérience et sans formation dans un collège à la rentrée 2023. Durant les trois semaines où

elle y a été présente, les quatre élèves qu’elle accompagna­it n’ont eu aucun cours de soutien. Manifestem­ent, la personne qui en était chargée était très peu concernée par sa mission : lorsqu’un père lui fait part de la peur de sa fille vis-à-vis de l’école, cette personne ment, affirmant lui donner des cours de maths, français, histoire, et lui disant de ne pas s’inquiéter !

Il peut s’agir d’un cas isolé ?

Nous n’avons pas choisi l’établissem­ent en sachant ce qu’il s’y passait. Lorsque la journalist­e s’émeut de la situation auprès de la principale de ce collège, qui accueille une douzaine d’élèves en situation de handicap, celle- ci répond qu’il faut éviter tout contact avec les parents et ne pas leur dire ce qui se passe, pour ne pas les faire « flipper » ! C’est un cas particulie­r bien sûr. Mais il montre des failles dans le dispositif. Et la pénurie de profession­nels qualifiés touche tous les établissem­ents.

Vous pointez également le manque cruel de places en Institut médicoéduc­atif (IME) ?

Les enfants souffrant de handicaps plus lourds continuent, en théorie, d’être accueillis dans 1 300 IME. Or, l’accueil y est parfois loin de respecter les conditions légales, le manque de personnel se creuse. Des milliers d’enfants sont sur liste d’attente. Les parents, contraints d’arrêter de travailler, à bout de forces, se retrouvent seuls, en détresse, face à des situations extrêmemen­t lourdes.

Certains trouvent une place en Belgique ?

C’est la situation d’une famille de la région Rhône-Alpes que nous avons suivie. Sans solution plus proche, leur fils cadet polyhandic­apé a été pris en charge (avec un financemen­t français) près de Liège, dans un établissem­ent public qui fait figure de modèle. Au bout de trois mois à La Cité de l’espoir, ses progrès étaient remarquabl­es. Une prise en charge de qualité fait reculer le handicap.

M6, 21 h 10.

Propos recueillis par Sonia LABESSE.

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| PHOTO : CAPTURE D’ÉCRAN, GIRAFPROD Jules, polyhandic­apé (en bas à gauche), est pris en charge en Belgique.

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