Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
« Nous ne voulons pas toucher aux
Le déficit public s’avère bien plus élevé que prévu. Comment boucher le trou ? Faut-il augmenter les impôts des plus riches ? Baisser les dépenses ? Réponses du ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire.
Dans la loi de finances, adoptée en décembre, vous envisagiez un déficit de 4,4 % en 2024. Maintenezvous votre prévision ?
La donne géopolitique a changé. Je présenterai donc les nouvelles prévisions de déficit et de dette d’ici à une dizaine de jours, lors de la présentation du programme de stabilité en Conseil des ministres.
Selon le rapporteur du Budget au Sénat, le déficit 2024 serait même de 5,7 %, soit un trou de 38 milliards d’euros. Confirmez-vous ces chiffres ?
Non. D’ailleurs, ne rentrons pas dans une bataille sur le montant d’économies nécessaires. À ce stade, ils ne veulent rien dire et donnent à nos compatriotes le sentiment que c’est insurmontable. Nous pouvons et nous devons revenir sous les 3 % de déficit en 2027. Cela demande de la méthode, de la détermination et du sang-froid. Nous l’avons déjà fait en 2017, 2018 et 2019 !
Cela passera-t-il dès cette année par le gel du point d’indice des fonctionnaires ?
Le Ministre de la fonction publique est en charge du dossier. Nous avons déjà annulé en février 10 milliards d’euros de dépenses de l’État, mettons en oeuvre ces économies avec fermeté.
Mais 10 milliards, cela correspond à 20 000 postes de fonctionnaires en moins.
Il n’y a aucune suppression de postes de fonctionnaires dans ces 10 milliards d’euros d’économies. Par ailleurs, ce qui était prévu dans les lois de programmation pour les armées, la défense, la police, l’éducation nationale, la justice sera maintenu.
« La multiplication des arrêts maladie pose une vraie question »
Vous aviez envisagé de diminuer les dépenses liées aux affections de longue durée (ALD). Ce projet est-il maintenu ?
Les ALD sont un pilier essentiel de la solidarité. Nous ne voulons donc pas y toucher. Mais c’est précisément parce que nous voulons protéger ces personnes malades – elles sont 12 millions — que nous devons réfléchir plus globalement au financement de notre modèle social.
Envisagez-vous de réformer les indemnités journalières ?
Les arrêts maladie ont augmenté de 10 % depuis le Covid ! Ce débat doit être ouvert dès cette année afin de lutter contre les abus. C’est aussi un principe de justice vis-à-vis de ceux qui travaillent.
Quelles économies attendez-vous de la réforme de l’assurance-chômage ?
Soyons clairs, ce n’est pas une réforme financière. Nous ne la faisons pas pour faire des économies mais pour parvenir au plein- emploi, c’est-à- dire 5 % de taux de chômage. C’est ce qui garantira à la fois la prospérité nationale et notre modèle social. Pourquoi ne parvient- on pas à descendre sous les 7 % ? Sans doute parce que nos dispositifs d’incitation à la reprise
d’activité ne sont pas suffisamment puissants. Sans doute aussi parce que nos règles d’indemnisation du chômage freinent la reprise d’emploi.
Mais aucune étude ne le démontre… C’est faux ! Par ailleurs, la réforme de l’assurance- chômage est une des solutions, mais pas la seule. Il faut également continuer à réformer le marché du travail, mieux former, et transformer le dispositif du Revenu de solidarité active (RSA).
Quelle doit être la durée d’indemnisation selon vous ? Comptez-vous aligner celle des chômeurs seniors sur celle des moins de 55 ans ? C’est aux partenaires sociaux de décider. Mais est- ce vraiment pertinent que les plus de 55 ans aient une durée d’indemnisation plus longue ? N’est- ce pas une façon de transformer l’assurance- chômage en mise à la retraite déguisée ? Ce défi concerne tout le monde. Les entreprises ont une responsabilité particulière à exercer. Je propose un contrat dans lequel les seniors travailleraient 80 %
de leur temps, toucheraient 90 % de leur salaire et auraient droit à 100 % de la retraite.
Qui paierait ? L’État ou les entreprises ?
Je suis pour un partage des coûts.
Beaucoup de Français ne comprennent pas qu’on s’en prenne aux chômeurs plutôt que de demander un effort fiscal aux plus riches.
On ne s’en prend pas aux chômeurs ! Nous voulons aider les Français à retrouver un emploi ! Sur la fiscalité, je rappelle que 70 % de l’impôt sur le revenu sont payés par 10 % des contribuables. Et le taux marginal d’imposition le plus élevé approche les 60 %. Mais là aussi, il reste des choses à faire. Je porterai avec beaucoup de force lors de mon prochain déplacement à Washington (États- Unis) l’idée d’une imposition internationale minimale sur le revenu des individus. Nous l’avons fait pour les multinationales.
« Il y a deux gangrènes dans la société française »
Mais cela a pris plus de cinq ans. C’est vrai mais nous avons réussi ! Nous avons mis en place une taxation sur les géants du numérique et une imposition minimale sur les sociétés. Nous savons comment avancer.