Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
« Mon chef est beaucoup plus jeune
Ils sont les jeunes chefs de collègues bien plus âgés. Ou, à l’inverse, sont dirigés par des supérieurs qui ont vingt ans de moins. Comment se passe le rapport hiérarchique ?
Gabriel Attal, qui avait 34 ans à sa nomination à la tête du gouvernement, travaille avec des ministres dont certains ont vingt- cinq ans de plus que lui. Un écart d’âge que connaissent aussi, au quotidien, les salariés en entreprise ou les agents d’administration.
Guillaume (1), 33 ans, a créé une start- up à l’issue de ses études scientifiques. « Je voulais trouver des gens capables de bosser avec moi, peu importe leur âge. Je me suis finalement associé à des personnes qui avaient vingt ans de plus. » Dont un directeur technique et un directeur financier.
« J’arrive à le faire aller dans mon sens »
Même s’il avait à coeur d’avoir un fonctionnement « le plus horizontal possible », certaines décisions ne pouvaient pas se prendre collectivement, en impliquant tous les salariés : « Nous le faisions alors tous les trois. » Et si besoin, le dernier mot incombait au jeune homme.
Guillaume s’est appuyé sur les compétences de ses deux aînés. « Le directeur technique avait le réseau et l’expérience. Il a également apporté sa crédibilité. Le directeur financier a proposé de nous rejoindre comme associé après que je l’ai contacté pour nous accompagner en tant que prestataire. » Le jeune Breton pense, de son côté, être arrivé avec « un projet ambitieux » et de l’audace.
La différence d’âge ? « On en rigolait, glisse Guillaume. C’était intéressant de me nourrir des réflexions qu’ils avaient déjà menées. Avec le directeur technique, nous avons eu beaucoup de discussions sur des sujets sociétaux, politiques et économiques. À l’inverse, j’avais une propension à être davantage au courant de choses actuelles et être ultra- connecté. »
Il constate : « Certains ont des blocages par dogme : On ne fait pas les choses comme ça et c’est tout. Je retrouve davantage ce type de rupture de dialogue avec des gens plus âgés que moi. »
Éric, 51 ans, travaille à la maintenance des trains, à la SNCF. « Nos chefs tournent tous les cinq ans. Plus je vieillis, plus ils sont jeunes ! », rit- il. Son nouveau responsable a la trentaine : « Il est à l’écoute, percute et, surtout, est réactif. Mais ce n’est pas une question d’âge. J’ai eu d’autres jeunes chefs avec qui ça n’avançait pas. »
Tous les matins, une courte réunion rassemble l’équipe et son supérieur. « Avec mes connaissances, j’arrive à le faire aller dans mon sens, glisse Éric. Nous, on a trente ans de métier. Ce qu’on dit, c’est pour le bien de l’entreprise. Il s’appuie sur nous techniquement. »
Il évoque « le petit Mickaël », un autre jeune chef, qu’il a apprécié : « Parfois, il tapait des mains sur le bureau et nous disait : Arrêtez les gars ! Ça passait, on sait quand on va un peu trop loin. C’est à lui de s’affirmer. Au final, le chef tranche, même si on n’est pas d’accord. »
« Je dois être sûre de moi sur les sujets techniques »
Élodie, 32 ans, est cheffe de projet chez Thales, grand groupe d’électronique français. Parmi sa trentaine de collègues, seuls deux ou trois sont plus jeunes qu’elle. Sous sa houlette, une dizaine de projets, avec des équipes de taille et durée variables. Son rôle : « Fédérer, impulser et stimuler pour que les délais et les budgets soient respectés », explique la jeune femme. « Quand je lance une réunion, il faut que je sois sûre de moi sur les sujets techniques. Pour que ma
légitimité ne soit pas remise en cause. » Parfois, elle entend : « Ça fait dix ans que je suis là et c’était déjà comme ça avant mon arrivée… » Pour proposer certains changements, elle passe alors par « l’argumentation ». « Certains ont une expérience et un vécu, mais les choses ont évolué et il faut en tenir compte. » Elle doit aussi s’adapter aux personnalités et au passé de chacun (accidents de parcours, histoires dans l’entreprise…).
« Le plus délicat » serait plutôt les relations avec des collègues de même niveau hiérarchique. « Sans doute se disent- ils qu’ils sont plus âgés mais qu’ils ont le même statut que moi… » Elle note aussi des divergences sur des sujets de société, notamment sur « les enfants, l’inclusion des personnes LGBT + ou l’écologie ».
« Notre directeur d’agence a 23 ans, raconte Muriel, 49 ans, chargée de clientèle à La Poste. Il y a un