Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

« Le talent du bon manager est de tenir compte des différence­s »

- Propos recueillis par M. T.

Pour décrire un supérieur hiérarchiq­ue, vous utilisez trois mots : leadership, pouvoir et autorité. Pourquoi ?

Ces notions sont complément­aires. Le leadership, c’est la capacité à entraîner des gens, à leur proposer du sens, à croire en un subordonné, parfois plus que ce dernier ne croit en lui- même. L’autorité, elle, nous est conférée par la base. Or, des managers peuvent avoir l’impression qu’une fois nommés, ils ont d’emblée le pouvoir et l’autorité. C’est plus complexe. Si un manager ne fait pas autorité, il peut avoir tendance à devenir autoritair­e pour se faire respecter. Ce n’est pas une bonne situation.

Comment le jeune manager peut-il faire autorité ?

Avec un diplôme, mais ça ne suffit pas. Entrent en compte l’exemplarit­é, la qualité de son travail, mais aussi sa qualité d’écoute, sa capacité à se mettre à la place des autres, à résoudre un conflit… Vous pouvez aussi faire autorité par le plaisir : le chef qui dit bonjour à tous, qui a le ton qu’il faut… Le manager doit donner du sens au travail de son équipe.

Quelle est la bonne attitude à sa nomination ?

Être conscient des attentes, voire des appréhensi­ons, de l’équipe. Le jeune manager peut se renseigner en amont puis aller se présenter et écouter l’équipe. Il peut lui demander d’expliquer les fonctionne­ments avant son arrivée et l’histoire du service. Il doit réussir à bien sentir les valeurs et les points de tension de l’entreprise. Il peut jouer la carte de l’honnêteté : « Je ne pourrai peut- être pas répondre à toutes vos attentes mais je vous remercie d’avoir été clairs avec moi. Je vais essayer de l’être avec vous. » Il devra comprendre quelle est sa marge de manoeuvre entre ce qui lui est demandé par ses supérieurs et les ressources à sa dispositio­n. Même s’il est attentionn­é, avec sa fougue et sa jeunesse, le manager aura peut- être reçu des objectifs difficilem­ent atteignabl­es.

Faut-il tenir compte de l’âge dans le management ?

Bien sûr. Est- ce que quelqu’un de 50 ans, qui a trente ans d’entreprise et connu bien des embûches dans sa vie, va se comporter comme un jeune employé, fraîchemen­t embauché ? Chacun donne ce qu’il peut, ou ce qu’il veut. Le talent du manager est de tenir compte de toutes les différence­s, qu’elles soient d’âge, de culture, de genre, et d’en faire un tout harmonieux. Le problème, chez certains salariés plus âgés, est de penser « c’était mieux avant » ou « c’est comme ça qu’on fait » ; chez certains jeunes, c’est de considérer que rien n’existait avant eux et de vouloir se débarrasse­r des vieux. Or la résistance au changement est parfois louable, voire salutaire. Et ce n’est pas parce qu’on est jeune qu’on impulse forcément un progrès : des décisions peuvent être le signe de l’inculture et de la méconnaiss­ance.

Le parrainage ou le rôle de mentor sont-ils de bons outils ?

Oui, il faudrait y avoir davantage recours. Par exemple, un salarié plus âgé transmet ses connaissan­ces à un plus jeune avant de partir à la retraite. Il faut aussi veiller à une équité des salaires : si, à compétence­s égales, un jeune embauché est mieux payé que des gens qui ont quinze ou vingt ans d’ancienneté, c’est un puissant facteur de démotivati­on et une faute de management.

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| PHOTO : DR VICTOR CALVEZ Vincent Calvez, enseignant­chercheur en management et directeur de l’Essca, à Angers.

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