Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
En baie de Quiberon, « ces voiles, ces co
Près de 2500 régatiers s’affrontent ce week- end en baie de Quiberon, lors du Spi Ouest-France. Samedi, les spectateurs n’ont pas manqué le ballet des 405 voiliers pour la grande parade.
Reportage
Quel bonheur, une grande parade du Spi Ouest- France sous le soleil, quand était attendue la tempête ! Dans tous les cas, ils seraient venus. Mais là, cette jolie lumière de printemps, c’est la cerise sur le gâteau, ce samedi 30 mars 2024. « Météo magnifique !, se réjouit Frédéric, débarqué de Rennes, avec femme, jumelles et enfant. Nous, on est contents de ne pas avoir de pluie. Eux, ils ont juste assez de vent, pour faire de belles courses, c’est top ! »
Ce samedi, 9 h, ils sont comme lui, des dizaines de spectateurs massés sur la côte de Saint- Philibert. Habitués ou bien informés : ici, c’est le meilleur endroit pour profiter au mieux de la grande parade, les 405 bateaux du Spi qui sortent du port derrière les vedettes de la SNSM, toutes voiles ouvertes.
Il y a les équipés. Ceux qui sont venus la veille, et on fait dormir le camping- car sur place, face à la mer. Ceux qui, comme Frédéric, ont prévu le petit- déjeuner. Ceux qui déballent trépied et impressionnants boîtiers d’appareils photos. Avant que monsieur ne réalise : « Ah, je crois que je n’ai plus de batterie ? » Madame réagit : « Comment ça ? C’est une blague ? ».
Mais il y a surtout ceux qui ont des marins embarqués. Car c’est le plus grand jeu ici : apercevoir « papa », ou « le fiston » quand il passe. Pas si simple, au milieu de la flotte.
Certes, on se donne des indices. Comme Fanny, trois blondinets au pied, un quatrième dans le porte-bébé, au téléphone avec son doux : « Alors vous êtes où ? Nous, on est face au bateau Actual, une camionnette blanche dans le dos ! » ; puis aux enfants : « Le bateau de papa est juste derrière le bateau Lazare ! »
- « Quelle couleur la grand-voile ? » - « Blanche. »
« Ils ont tous des manteaux rouges, mon chéri »
Voilà qui ne facilitera pas les retrouvailles. Mais c’est le jeu. La famille scrute, plisse les yeux, tourne la tête. Pas facile, parmi les dizaines de voiliers qui défilent, de tous formats. Parfois, une alerte : « Est- ce que ce ne serait pas eux, qui arrivent là-bas ? » Allez, on fait du bruit : « Youhou ! Allez papa, allez papa ! Allez, vous êtes les plus beaux ! » Et tant pis si l’on se trompe de bateau. « Je tente, dans le doute ! », dit Fanny, bras levés. « Alors, ils ont répondu ? Ah non, ce sont les concurrents eux, baissez les mains ! ».
« Et là maman, ce n’est pas lui avec le manteau rouge ? »
- « Ils ont tous des manteaux rouges, mon chéri. » Le papa a fini par passer. Il a eu sa holà.
Anne aussi, scrute. « C’est terrible, parce que je ne vois pas bien les numéros sur les voiles. Je ne sais pas si ce sont eux là… Ou là ? » Elle cherche son fils. Un des plus jeunes du Spi, embarqué sur un Open.
« Il faut des gens à terre pour accompagner »
La famille vient du bassin d’Arcachon. Premier Spi, première parade. Grosses émotions. Parfois, Anne suspend sa quête, cet Open qui n’arrive pas, regarde ce soleil qui perce au ras de l’eau. « Qu’est- ce que c’est beau, ces voiles, ces couleurs. La mer est verte. Splendide. »
Depuis six ans, elle accompagne son fils et son équipe, qui gravite en compétition. Elle assure la logistique, l’intendance, s’occupe de la jeune
troupe. « Alors oui, je suis dans la voile. Car il faut des gens à terre pour accompagner, pour qu’en mer ils puissent tout donner ! » Elle ne regrette pas, « c’est un milieu superbe. » « Et sur le Spi, ce qui est super, c’est que c’est un rassemblement
d’amateurs, mais aussi un vrai rassemblement de passionnés. Ils sont tous heureux de se retrouver, de partager. C’est divin… »
Du Spi de La Trinité-sur-Mer aux JO de Marseille
L’un est Côte- d’Orien, l’autre est ardennais. Autant dire qu’ils ont usé leur culotte courte loin de la Bretagne iodée. À 60 ans, ils ont un amour viscéral de la mer et de la baie de Quiberon. Christophe Gaumont et Gilles Bricout sont des tauliers du Spi Ouest-France.
Voilà vingt- cinq ans qu’avec la « skipailh » de la Société nautique de La Trinité- sur- Mer (SNT), ils veillent au grain pour que la grande régate printanière se déroule sans accroc. « C’est une épreuve de coeur géographique, humaine. On bosse dans le même sens avec la mairie, le port. On avance en confiance, on est libre. »
« Les bateaux, comme les pratiques, évoluent »
Sur les pontons, tout le monde connaît le directeur de course. Fidèle à son poste depuis 2007. Christophe Gaumont est cadre technique sportif et conseiller technique national. à la Fédération française de voile. Tous ses week- ends de Pâques, il les donne au Spi. Les événements maous costauds, il connaît. 403 équipages ici, 740 dériveurs à Hyères pour la dernière épreuve de qualification olympique, il sait gérer.
Outre les documents de course, Christophe Gaumont supervise une équipe arbitrale. Cinq zones, 200 lignes de départ, il faut avoir les yeux partout en même temps : « Le Spi évolue tout le temps. Celui de 2024 est différent de celui de 2000. Les bateaux, comme les pratiques, évoluent ». Cette année, en nouveauté, un rond handivalide en sortie de chenal, dans une zone sans gros coefficient. Les années précédentes, le Spi a promu les équipages en duo, le Multi, les catamarans haute vitesse. « Pour rester vivant, il faut être dynamique. Ici, on essaie car il y a une grande confiance mutuelle. » Et puis, il y a la baie. Terrain de jeu idéal : « On peut naviguer 25 ans dessus et on apprend tout le temps ». Avec émerveillement : « C’est beau ».
Un oeil sur la météo, – ultra- changeante et capricieuse – un temps d’échanges avec chaque responsable de zones, un oeil sur le côté opérationnel des bateaux, sur la coordination sportive : « Directeur de course, c’est la burette d’huile pour que tout marche ensemble. »
« Hyperformateur, exigeant »
Gilles Bricout a lui aussi connu la navigation sans GPS, sans téléphone portable. Il est loin le temps où il traînait ses guêtres avec son cerf-volant à côté des locaux de la SNT. Il a appris sur le tas, il est maintenant responsable technique, il prépare le matériel. « Mes enfants adorent le titre de bosco ». En tant qu’arbitre national, il est président du comité de course sur le rond des côtiers. Le Spi est « hyperformateur, exigeant. 70 % des arbitres nationaux s’y sont frottés ».
Cette expérience, les deux hommes vont en user sur les Jeux olympiques. Une première pour Gilles Bricout. « J’y serai navigateur », tout le temps sur l’eau accompagnant la class Laser, à informer en temps réel où est la zone de course. Il n’avait pas postulé, ne parlant pas anglais. C’est Christophe Gaumont qui l’a incité à y aller pour ses compétences. Après avoir connu Pékin, Londres et Rio au comité de course, il sera présent lui aussi à Marseille, au PC course, dans un rôle de liaison entre les arbitres internationaux et français : « Les JO, ça représente l’épreuve ultime. » Bien heureux de pouvoir la partager cette année avec Gilles Bricout (une dizaine de Morbihannais vivront l’expérience de Paris 2 024). Faut-il y voir le signe que le Spi et la Société nautique de La Trinité ouvrent mille et un possibles ?